Où manger de l’oie rôtie à Canton – ‘à la petite cuillère’ en Chine
20 nov 2015
Catégorie : À la petite cuillère, Art, Culture & Traditions, Bonnes adresses, Voyage destinations loisirs
À la petite cuillère
Cette fois-ci, À la petite cuillère vous emmène plus loin, plus à l’est que le Piémont et ses truffes, et c’est pour vous donner une très bonne adresse. Un séjour à Guangzhou (Canton) est l’occasion de se taper la cloche, mais mes hôtes ont deux jeunes enfants dont un bébé de huit mois, plus un braque de Weimar encore adolescent, ce qui veut dire que nous n’aurons pas l’occasion, cette fois, de sortir au restaurant le soir. Des pauses déjeuner restent possibles, c’est pourquoi je peux écrire cette brève chronique d’un de mes restaurants préférés tous pays confondus, celui que Jing et Seb appellent couramment goose noodles. La question se pose au moins une fois par semaine au moment de nous rendre à Jiang Nan Xi, quartier très animé où officie leur maître de thé : « Et on va manger où ? — Goose noodles, non ? » Personne ne dit jamais non.
Parce que ces goose noodles, ces nouilles à l’oie rôtie, c’est un sacré truc. Pour moi, ça enfonce profondément tous les canards laqués du monde, y compris le pékinois, dont j’ai pourtant eu de très belles interprétations. Je dirais que le canard laqué pékinois est un bon exemple de la retenue culinaire du Nord : c’est bon, c’est raffiné, mais ce n’est pas orgiaque, ça rigole pas. C’est un plat précis, protocolaire : saisir une crêpe, doser la quantité exacte de peau de canard, de filaments de ciboule, de sauce, puis rouler proprement la crêpe sans s’en mettre partout et la croquer le petit doigt levé. Tandis que l’oie rôtie cantonaise (siu e), c’est gras, doré, moelleux, juteux, ça bâfre, ça exulte, c’est immodéré, ça rend heureux, c’est le Sud, c’est cantonais quoi. En VO le plat s’appelle siu e laifen, mais pour commander, dites siu e lai (accent montant sur siu, légèrement descendant sur e d’ailleurs prononcé plus proche de « o », ensuite c’est carrément la descente à ski sur piste noire, le a de lai s’étirant vers les tonalités basses comme un élastique : laaaaaaaai). (Qu’est-ce que j’aimerais parler cantonais ! La langue qui ressemble à un tour de montagnes russes.)
Infos pratiques : pour manger du siu e lai à Guangzhou, prenez le métro et sortez à Jiang Nan Xi. Au numéro 105 de la rue du même nom, vous trouverez un restaurant à façade jaune et marron. Vous y distinguerez un petit logo en forme d’oie, que voici. La façade du restaurant a changé, mais le logo y est toujours. On peut traduire l’enseigne par « Nouilles à l’oie rôtie traditionnelles de Houjie à Dongguan ».
Travers de porcelet rôti laqué, si vous n’êtes pas in the mood for goose. Le char siu aussi est exceptionnel.
Explication : Dongguan est une petite ville du Guangdong (petite au sens chinois : six millions et demi d’habitants) située dans le delta du fleuve des Perles, entre Hong Kong et Guangzhou. Sa gastronomie est réputée, portant principalement sur les produits de la mer et des eaux, l’oie et d’excellentes saucisses. Il convient de noter que les oies du Guangdong sont une espèce particulière, plus petites que l’oie commune. Leur chair est d’une finesse incomparable, supérieure à celle de tout autre palmipède. Côté goût, une oie rôtie-laquée vaut dix canards : les restaurants spécialisés dans l’oie affichent dans la salle des instructions pour distinguer visuellement une oie d’un canard, car certains officiants sans scrupules cherchent parfois à faire passer le second pour la première. Houjie est un faubourg de Dongguan dont la spécialité est l’oie rôtie servie sur un bol de nouilles laifen (pâtes de riz épaisses et élastiques) dans un bouillon. Restaurant modeste et bon marché, tout célèbre qu’il soit, il a bénéficié voici deux ans d’une spectaculaire rénovation qui l’a fait passer du statut de gargote graisseuse et mal éclairée où l’on se tapait la cloche en essayant de fermer les yeux sur le reste à celui de restaurant moderne à peu près clean, sans sacrifier la qualité des plats. Il est ouvert 24 heures sur 24 et les habitués ont tendance à s’y attarder pendant des heures (il y a le wifi, si ça vous intéresse).
Si vous aimez les têtes d’oie, vous êtes au bon endroit.
Outre les oies rôties qu’il débite au quintal, y compris foies, têtes et côlons, le restaurant offre une carte assez courte de spécialités de Dongguan et du Sud cantonais (congee aux racines médicinales, soupe de wonton, char siu, lait double-peau (shuang pi nai), pudding tapioca-mangue, etc.) et une splendide sauce pimentée maison que l’on peut acheter en bocal.
Nous y étions hier. Jing a pour une fois fait l’impasse sur l’oie, choisissant un poulet de Hainan au riz avec sa sauce gingembre-ciboules. Celle-ci était étalée sur le poulet au lieu d’être servie à part comme c’est l’usage. Le riz n’était pas sauté dans la graisse du poulet et la sauce, aussi, était trop huileuse. Mais bon, on est de Dongguan ici, pas de Hainan ni de Singapour. Il vaut mieux se concentrer sur les spécialités locales.
Notre oie était nickel. Nous l’avons commandée avec du riz au lieu de nouilles (siu e fan). Le plat est tout simple : du riz, de l’oie, un demi-œuf dur cuit dans le jus de l’oie et quelques feuilles de laitue sautée.
Après un tel festin, heureusement, la maison de thé n’est qu’à quelques pas. Pour faire passer tout ça, on va siroter un vieux pu-er bien costaud, le genre qui fait pousser les poils, suivi d’un oolong ‘cannelle’ rou gui des monts Wuyi.
Un petit plan qui va bien, ce sera plus facile (si vous allez à Canton, évidemment).
Directions sur Google+
Traditional Dongguan Houjie Roast Goose Laifen. 105 Jiangnan Xi Lu (rue Jiangnan Ouest), district de Haizhu, Guangzhou, Guangdong, république populaire de Chine. Tél. : +86 20 8441 2310. Ouvert tous les jours et à toute heure, sans interruption. Métro Jiangnanxi sur la ligne 2.
- À la petite cuillère –
Texte et photos : Sophie Brissaud
Alex
24. nov, 2015
Très sympa ces nouveaux articles sur ce blog.
Je souscris totalement à ce que vous écrivez au sujet de l’oie rôtie. Le plaisir engendré par la dégustation d’une oie rôtie rigoureusement cuisinée et cuite au feu de bois est sans commune mesure avec celle d’un canard pékinois.
Sur la prononciation en cantonais, le Jyutping retranscrit le mot canard par « ngo » comme pour le « je ». C’est un son assez indescriptible qui tire en effet vers le « o » et qui vient du fond de la gorge en ouvrant grand la bouche. Par contre le « siu » est d’un ton constant et non montant. Je ne peux que vous encourager à apprendre le cantonais. C’est une source de joie infinie en ce qui me concerne.
J’en profite pour une question vous qui avez souvent voyagé dans le Guandgong. A Hong Kong, les restaurants spécialisés sont très nombreux et quelques-uns se disputent le titre de meilleure oie rôtie du territoire depuis des lustres. Dans cette bataille culinaire, les patrons mettent en avant l’origine des oies et leur mode d’élevage sans jamais trop rentrer dans le détail (d’après ce que j’ai pu lire). Leurs oies sont évidemment toutes en provenance du Guandong et principalement du district de Qingyuan apparemment. Il semble exister là-bas des élevages de qualité où les conditions d’élevage sont respectueuses de l’animal et la nourriture naturelle. Plusieurs patrons hongkongais ont déclaré que leurs oies étaient nourries pendant moins de 90 jours quand nos oies françaises le sont généralement pendant bien plus du double. Il semblerait que ce soit les conditions optimales pour la réalisation de l’oie rôtie mais je trouve cela assez étrange. Avez-vous des informations à ce sujet, sur la qualité (ou non) des élevages d’oies dans le Guandong et sur les spécificités d’élevage de l’oie dans la région ?
Merci d’avance et bonne continuation.
Sophie Brissaud
24. nov, 2015
D’abord merci pour votre message !
Je vais me renseigner pour l’oie et son temps d’élevage, mais vu la tendreté de l’animal, 90 jours me semble normal. C’est de la jeune oie ; en Europe on mange les oies plus âgées. C’est une espèce d’oie particulière. C’est d’ailleurs avec ces oies qu’on a entrepris de faire du foie gras dans le Sichuan (qualité incomparable). Apparemment ce serait la maison Rougié qui aurait fourni le savoir-faire.
tonkin voyage vietnam
22. nov, 2017
Tout a l’air tellement délicieux.. j’en ai de l’eau à la bouche