César Troisgros : » Vous pouvez vous inspirer des autres, mais vous devez réinterpréter à votre façon «
22 août 2015
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Presse & Médias
C’est lors d’une entrevue du mag en ligne The Daily Meal du 27 juillet dernier par que le chef français César Troisgros se livre pour la première fois sur sa vision de la cuisine d’aujourd’hui. L’interview en 2 parties aborde beaucoup de sujets qui touchent à la gastronomie… F&S décrypte et vous transmet le meilleur !
Troisième génération de chef dans la famille Troisgros, après Pierre et Jean, c’est Michel qui a pris le flambeau avec le succès que l’on connaît aujourd’hui, mais derrière l’histoire continue, César est passé depuis quelques années aux fourneaux, pour l’instant dans l’ombre de son père, le chef s’y construit un prénom.
Les dynasties culinaires sont bien connues en France, les Bras, les Pic, les Blanc, les Bocuse, et bien sûr les Troisgros. C’est un vrai challenge de maintenir un nom après plusieurs générations de grands chefs, deuxième, troisième puis quatrième génération de cuisiniers, c’est assez exceptionnel, La Maison Troisgros, passera un jour le relais à César Troisgros et à son frère Léo. Il devra porter la responsabilité et les attentes d’une célèbre lignée de chefs.
César, fils de Michel et Marie-Pierre Troisgros, petit-fils de Pierre Troisgros, a rejoint son père dans les cuisines du trois étoiles il y a huit ans. Il travaille dorénavant pour marquer sa place parmi les siens dans une famille déjà célèbre. Il a grandi avec l’idée de se consacrer aux métiers de la musique, finalement c’est en cuisine qu’il trouvera son univers créatif.
Troisième génération de chef avec Michel, quatrième génération donc pour César et Léo le plus jeune de ses fils. Michel Troisgros a passé du temps aux Etats-Unis dans les cuisines de – Chez Panisse – à Berkeley, en Californie, avec la chef Alice Waters, le jeune César lui a passé du temps auprès du chef américain Thomas Keller à French Laoundry dans la Napa Valley, puis au – El Celler de Can Roca – à Girone.
On apprend donc que le jeune César a décidé d’intégrer les cuisines de la Maison Troisgros à 18 ans, que ce fut un choix personnel et réfléchi.
Suivez les deux interviews – Extraits – :
Avez-vous toujours voulu être cuisinier ?
Pas vraiment, car comme un adolescent, je ne savais pas quelle carrière je voulais poursuivre. Au début, je voulais intégrer l’industrie de la musique et devenir ingénieur du son. À cette époque, je suis au lycée et même si je navigue toujours dans l’univers de la cuisine, surtout pendant l’été, je ne veux pas être cuisinier. Tout au long de mon enfance, j’ai entendu la même chose « je vais être la prochaine génération « … j’étais fatigué d’entendre ça … je voulais faire autre chose que cela. À 15 ans, je n’étais pas vraiment conscient du monde qui m’entourait.
Donc, avez-vous suivie une formation pour intégrer l’univers de la musique ?
Non, car après avoir terminé l’école secondaire, je pris le temps de réfléchir et lors d’une conversation avec mon parrain (Régis Bulot, alors président de Relais & Chateaux), il me demanda ce que je voulais faire. J’ai dit « peut-être un ingénieur du son, mais je ne suis pas certain, … ». Il m’a dit: « mais tu aimes la cuisine, pourquoi pas poursuivre dans cette voie. « et j’ai réalisé après cette conversation que c’est ce que je voulais faire …
Vous êtes passionné de cuisine?
Chaque jour, je suis de plus en plus passionné. Je rencontre de nouvelles personnes, je fais de nouvelles choses tous les jours, et quand j’ai passé du temps avec les frères Roca à Girona j’ai beaucoup plus appris sur la passion … non seulement sur le travail dans les cuisine, mais aussi, la patience, la simplicité, l’humilité ….
Vous et votre frère Léo, vous avez fait la même formation ?
En fait, nous sommes allés à l’Institut Paul Bocuse à Lyon. Leo a toujours su ce qu’il voulait faire et a pris un chemin plus direct, il vient de terminer sa formation. Pour moi, cette école fut une grande expérience de formation car il y avait des élèves de beaucoup de pays, 40 % venaient d’Amérique du Sud, de Corée, du Mexique et d’ailleurs.
Et après votre formation ?
Après avoir été diplômé en 2007, j’ai travaillé à Paris, puis 8 mois avec les frères Roca avant de retourner travailler avec mes parents. A cette époque là, nous avons ouvert l’auberge La Colline du Colombier et j’ai passé l’été dans les cuisines. Après cela, je suis allé au French Laundry pour un an et demi…
Après vous aviez l’intention de voyager au Japon ?
Oui, cela devait être mon prochain projet, j’ai organisé mon voyage dans le but de passer un an sur place, tout était prêt, y compris mon visa et les billets d’avions. Le projet c’était de passer du temps pour approcher les différentes cuisines japonaises comme les sushi, les tempura, le Kaiseki, et d’autres. Je devais partir le lundi, mais le vendredi avant mon départ, a eu lieu la catastrophe de Fukushima …/…. Donc, je ne suis pas parti travailler au Japon, j’ai pris une place de chef de partie puis de sous-chef ici à la Maison Troisgros. C’était donc l’occasion de travailler aux côtés de mon père.
Aimez-vous travailler avec votre père, parfois y a t’il des conflits ?
Absolument, j’apprécie de travailler avec lui. Parfois, nous sommes en désaccord, mais ils ne sont jamais important. Cela vient surtout de moi, de ma jeunesse, de mon impatience. Il sait beaucoup de choses que je dois encore apprendre. Nous avons des conflits normaux entre père et fils, ça disparaît toujours en quelques minutes. Mon Père dit qu’il a aussi des souvenirs d’incidents similaires avec son père.
Où avez-vous voyagé pour vous former ?
Après la Californie, je suis allé au Brésil pour trois mois pour travailler avec mon oncle Claude Troisgros, j’ai visité Tokyo plusieurs fois sur de courts trajets et je vais y retourner. Je suis allé à Bangkok, à Londres, en Norvège, en Espagne, à Montréal, et je veux aller au Mexique bientôt, probablement après mon prochain voyage au Brésil au mois d’août. Je vais cuisiner avec mon cousin Thomas fils de Claude Troisgros.
J’ai envie d’aller au Mexique depuis que je rencontré Enrique Olvera du restaurant Pujol. J’adore la cuisine traditionnelle mexicaine, j’ai eu échos que beaucoup de choses passionnantes se passent dans la cuisine mexicaine. Je serais également ravi de passer du temps en Californie, je suis tombé amoureux de la culture et de la nourriture sur place. À chaque fois que je vais à New York, j’essaye de visiter les restaurants mexicains, je trouve que la cuisine mexicaine a beaucoup de goût.
Lorsque vous voyagez, vous vous imprégniez de la cuisine locale ?
Oui, surtout lorsque j’ai travaillé à French Laundry mais aussi au Brésil. Je reviens toujours avec des idées et des ingrédients, c’est ma passion. À French Laundry J’ai beaucoup appris sur les techniques de cuisine, et aussi en particulier sur l’organisation en cuisine, qui est très différente de celle en Europe.
Y at-il des chefs à travers le monde que vous admirez particulièrement ?
J’admire René Redzepi, Mauro Colagreco mais aussi Pierre Gagnaire et Pascal Barbot. Ils ont tous leur propre style et leur propre personnalité. Aujourd’hui, beaucoup de chefs imitent et copient plutôt que de développer leurs propres styles. René Redzepi par exemple créé un nouveau style qui lui est propre avec un vrai esthétisme. Un grand nombre de chefs copient l’esthétique mais oublient les saveurs. Aujourd’hui, si vous ouvrez au hasard cinq des meilleurs livres de cuisine, chacune des photos de plats se ressemblent.
Qu’est il important de développer pour chaque cuisinier ?
Chaque cuisinier a besoin de développer sa propre histoire, sa propre identité, et peu importe ce qu’elle est … Vous pouvez vous inspirer des autres, mais vous devez l’interpréter à votre façon. L’année dernière, nous sommes finalement arrivé à dîner au Noma après avoir essayé d’obtenir une réservation pendant quatre ans…/… J’était très curieux … et je dois dire que du début jusqu’à la fin, ce fut le meilleur repas que je mangé jusqu’à présent. À partir du moment où vous passez la porte, l’ambiance et l’expérience sont exceptionnelles. Redzepi est un génie, et au delà de la nourriture, vous vivez une expérience, il vous emmène dans son propre monde. Même le service était exceptionnel et nous avons beaucoup appris. René n’est pas seulement un grand cuisinier mais une belle personne, très humble et vraie. Peut-être qu’un jour j’aurais la chance d’y travailler une semaine ?.
Vous voyagez à travers le monde pour des évènements culinaires ?
Nous sommes sélectifs, nous avons été à Bangkok, à San Francisco, à New York et à Montréal. Mon père et moi, nous avons cuisiné deux fois à New York , et moi j’ai cuisiné à l’hôtel Mandarin Oriental de Bangkok pour un événement d’une semaine.
Vous étiez en Espagne, quel souvenir vous reste t’il ?
Pour moi la proximité avec famille Roca est mon meilleur souvenir, ils sont vraiment très agréables, les trois frères sont extrêmement talentueux. J’y ai travaillé à l’ancien emplacement et j’étais présent quand ils ont déménagé à l’emplacement actuel. C’était fou, le service du déjeuner c’est passé dans l’ancien restaurant, et au dîner nous intégrions le nouvel espace, le tout le même jour…/… nous avons servi 50 ou 60 clients le soir.
Au cours des 8 mois passés sur place, je logeais à l’étage dans l’ancienne chambre de Jordi Roca. Ici, le personnel fait comme partie de la famille …/… et Montserrat la maman cuisinait pour tout le monde. Ils prenaient soins pas seulement de moi, mais de tout le monde sur place et malgré tout leurs succès et la célébrité ils sont toujours les mêmes. Il vient naturellement à eux et ont de grandes valeurs humaines …
Quel est le facteur important dans le choix du lieu de formation ?
Vous allez dans un restaurant non seulement pour le travail mais aussi pour le chef, sa personnalité et l’atmosphère du restaurant. Vous pouvez choisir d’aller dans un Palace ou dans un petit restaurant, cela dépend de ce que vous cherchez. Dans les années qui suivront, le but est d’utiliser pour votre avenir ce que vous aurez vu et ce que vous avez retenu de cette expérience.
Êtes-vous impliqué dans le déménagement de la Maison Troisgros ?
Je fais parti de l’ensemble du processus, avec mes parents. Mon père et moi nous avons travaillé sur l’ensemble des plans de la cuisine, le décor c’est la partie de ma mère …/… Pour Léo et moi-même c’est une grande responsabilité le projet que nos parents mettent en place c’est pour nous. Je suis très heureux et très fier que nos parents prennent cet énorme risque pour nous.
Est-ce un nouveau chapitre dans l’histoire de la famille Troisgros ?
Oui, se sera difficile de quitter notre maison, et probablement plus difficile encore pour mon père car il a ici beaucoup de souvenirs familiaux. Pour moi, ce sera plus facile d’écrire ici ma propre histoire.
Que va t’il arriver à cet emplacement ?
Nous remettons les clés au propriétaire ! Nous voulions l’acheter mais ils ne désirent pas vendre, aujourd’hui nous voulons être chez nous et imprimer notre marque. C’est triste, je suis ici depuis huit ans, au fil du temps nous avons constamment rénové cet endroit et probablement investi plus que si nous avions acheté un autre endroit. Il est parfois bon de recommencer à zéro et d’écrire un nouveau chapitre.
A t-il été facile pour vous d’intégrer La Maison Troisgros ?
Pas vraiment, c’était même plus difficile, car les attentes étaient beaucoup plus élevées…/…
Quels conseils pouvez vous donner pour d’autres jeunes cuisiniers ou chefs ?
Soyez passionné, allez étape par étape et essayez de vous connecter avec les bonnes personnes, nourrissez votre passion pour la cuisine, l’art ou la musique. Pour moi, la la vie est passion et pour être vraiment heureux vous devez vivre votre passion.