Thierry Marx évoque le chef Claude Deligne : » Un messager. La cuisine devient mon lien social. «
26 juil 2015
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Presse & Médias
Thierry Marx, évoque la mémoire du chef Claude Deligne, c’est la quotidien Sud Ouest qui lui consacre une tribune, l’occasion d’en savoir plus sur l’histoire du chef parisien, son parcours et cette rencontre qui l’a aidé à devenir quelqu’un.
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Thierry Marx trouve le messager de sa vie
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Thierry Marx a 18 ans et des bouts d’illusions. Assis sur un banc de la cité du Bois-l’Abbé, à Champigny-sur-Marne, avec trois amis, il songe. Le bilan paraît bien mince au milieu des terrains vagues. Pourtant, il vient de boucler un tour de France de la pâtisserie avec les Compagnons des Devoirs unis, où Marcel, le voyant déscolarisé à 13 ans, a eu l’idée de le placer. Mais la cité le ramène aux années de plomb des HLM délabrées, des bagarres et des embrouilles. Pour travailler à Paris, ils doivent s’inventer des adresses sur de fausses cartes d’étudiant. Entre le 140 de Ménilmontant et Les Boullereaux, seul le judo lui garantit de ne pas mettre un genou à terre. Comment en finir avec cette condition gluante de déclassé ?
Parachutiste au Liban
Les quatre devancent l’appel à la caserne de Reuilly. Thierry intègre les paras de l’infanterie de marine au Liban en guerre. Et à son service militaire particulier il ajoute une année d’engagement au sein des milices chrétiennes du général Aoun. C’est l’aventure, au sens d’une traversée de la tragédie humaine. Elle le place dans la coutume familiale. Elle lui offre aussi les camaraderies remuantes dont il a besoin. Son retour en France désigne un combat d’une autre nature. À 24 ans, Thierry Marx échoue à écrire correctement le français. Il s’inscrit aux cours du soir du lycée Hélène-Boucher, dans le 20e, avec tous les immigrés. Il a faim. Les profs, deux vacataires guévaristes, l’encouragent à aller plus loin.
Après son brevet élémentaire, il obtient son bac littéraire l’année suivante, à 25 ans. En Australie, où il rêve d’un eldorado, il comprend deux choses. La cuisine introduit une communion incomparable, et c’est en France qu’on l’apprend. Il revient passer un CAP de cuisine en candidat libre. Que vaut un diplôme sans un séjour chez les meilleurs ? Il repart en chasse. Bernard Loiseau, le chef bourguignon de Saulieu, n’a rien pour lui. Mais il l’invite à déjeuner et lui raconte son obsession du sommet. Thierry Marx s’imprègne. S’il entre dans ce métier, ce sera avec le sabre lumineux de Bernard Loiseau.
Deux jours plus tard, à Paris, il pousse la porte du Taillevent, une référence trois étoiles. « Tu arrives d’où ? » lui demande le chef, Claude Deligne. « De chez Bernard Loiseau » répond, au bluff, le voyageur. « Alors je t’attends demain à 8 heures. » Claude Deligne, entré chez Taillevent en 1955, se tient en retrait de la lumière. Il occupe le point culminant, après avoir décroché une troisième étoile.
La parole du chef
Tout le gratin connaît cet homme vrai, étincelant dans l’exigence et d’une humilité désarmante, auprès de qui on se forme. Probablement y a-t-il toujours en lui le cri du cochon de l’épicerie-charcuterie que tenaient ses parents à Verdelais, en Gironde. L’hypermédiatisation des chefs que les guides ont engagée ne le touche pas. Le Meilleur Ouvrier de France agit à l’ombre et dans le seul intérêt de sa glorieuse maison. Thierry Marx s’accroche, sa banlieue sur le dos. Quand il rate le dernier métro, il dort sur un banc à la gare de l’Est. Et à 6 heures du matin, il rejoint Taillevent.
La brigade tient à distance ce garçon muet qui n’a pas emprunté les mêmes chemins. Le Liban reste inracontable. Impossible d’évoquer son CAP de pâtissier avec les compagnons sans expliquer pourquoi il a abandonné. Personne ne se lie à lui. Il écoute, regarde et mémorise les plats en les dessinant. Le soufflé à démouler de Claude Deligne naît d’une technique indépassable. Son lièvre à la royale laisse pantois. Le chef a compris que le succès de la cuisine relève autant du vieux grimoire des anciens que de l’étincelle personnelle. Il n’oppose pas la tradition et l’audace. Spatule en main, il respire son équipe, dont il accompagne chaque individu pour l’élever.
Thierry Marx ne dit mot, mais Claude Deligne voit son regard. Au jeune banlieusard, il transmet la maîtrise du geste, du feu, de la cuisson, du temps. Et il pressent l’isolement d’un garçon sans réseau, trop vieux pour occuper un poste de commis.
« Mets cinq noms sur un papier », lui intime le maître. L’élève choisit le gotha : Girardet, Robuchon, Maximin, Chapel, Bocuse. Claude Deligne téléphone devant lui. Robuchon l’accueille le lendemain. Il comprend qu’il a trouvé son guide. « Avant, on m’expliquait que ce travail n’était pas pour moi. Je retrouve avec lui le sens de l’honneur, la fraternité. Il fait la synthèse des hommes de parole de ma vie. Un messager. La cuisine devient mon lien social. »
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Il appartient au cercle des grands où l’on tolère sa quête d’explorateur déraciné, qui respecte les codes et n’hésite pas à les casser. Thierry Marx existe à l’université, dans le luxe, les prisons, à l’angle de la rue, dans l’imaginaire des apprentis. Et de ce paradis hautement improbable, Claude Deligne, par son génie de générosité, a offert la clef.
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Francoise Malet
31. août, 2015
Bonjour
Je suis la cousine germaine de Claude Deligne, son père et ma mere Jane Deligne étaient frère et sœur
Je viens d’apprendre hélas un peu tard son décès, nous nous étions perdus de vue, bien que Claude ait vécu auprès de nous lorsqu’il avait une dizaine d’année pour suivre les cours du collège a Langon En Gironde,
J’aimais beaucoup et avais beaucoup d’admiration pour ce grand cousin
Merci de lui rendre hommage
Je signale toutefois que le magasin de ses parents etait une pâtisserie et non une épicerie ainsi qu’une charcuterie
Cordialement
Francoise Malet Le Lay
Malet Le Lay Francoise
31. août, 2015
Bonjour Monsieur
Je me permets de vous remercier de rendre hommage à Claude mon cousin germain que j’ai beaucoup aimé et admire
J’ai appris son décès un peu tard, nous nous étions perdu de vue, depuis 2007, date du décès de ma mere, la sœur de son père,
Merci pour vos articles
Sentiments distingueS
Francoise Malet Le Lay
Deligne Bruno
14. mar, 2021
Bonjour Monsieur, Madame,
Je suis le fils de Claude Deligne, je vous remercie de l’article consacré à Thierry qui remercie mon père, Thierry n’a jamais oublier papa et le cite à chaque fois qui parle notre métier.
Je voulais rebondir sur le comentaire de Françoise Malet Le Lay que je ne connais pas cousine éloigner.
Le magasin de mais grand parents etait une patisserie charcuterie épicerie et burreau de tabac.
Je vous remercie pour l’article de Thierry qui parle de Papa.
Bien cordialement
Bruno Deligne