Gastronomie à la sauce Défonce … poppers, alcool, drogue et création culinaire !
07 déc 2014
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Presse & Médias
L’express nous amène dans cet article dans une gastronomie excentrique et décalée, une gastronomie à la sauce amère pour certains, pour d’autres un vrai univers hors du commun… en fait une gastronomie sans imite, sans contrainte, sans règle, sans code, sans étoile, seulement une liberté totale.
Partez à la rencontre du chef Brandon Baltzley, poppers, alcool, drogue et création culinaire !
Brandon Baltzley, génie « rock star » de la gastronomie américaine
Enfant terrible de la gastronomie américaine, Brandon Baltzley oscille entre trips hallucinés, innovations culinaires et cures de désintox. Un portrait signé Ivan Solotaroff sur Ulyces, partenaire de L’Express.
« De drôles d’odeurs vous accueillent à la sortie de l’ascenseur, au 15e étage d’un immeuble au bord du lac Michigan, au nord du Loop de Chicago. Foin séché. Orange brûlée. Vinaigre frit. Herbes sauvages et thé fort, camphre, lavande, tabac, myrtilles, sirop d’érable, bacon – toutes ces odeurs semblent provenir de vaporisateurs. Un truc à vous retourner le cerveau.
Le mystère reste entier à l’intérieur de l’appartement 1511 – un studio qu’une demi-douzaine de chefs transpirants et massivement tatoués, en bandana et tablier, ont transformé en laboratoire culinaire et en zone de transit. Brandon Baltzley, qui vit ici avec sa copine, Emily Belden, est celui qui tient le fendoir, l’air inquiet, un couteau et une fourchette tatoués sur la pomme d’Adam. Debout dans ses sabots noirs, devant une table en inox, il ne donne pas l’impression d’être le type en charge des opérations: il exhorte indifféremment les employés qui travaillent le plus dur à se concentrer davantage, et se faufile derrière les plus passifs d’entre eux pour leur saisir malicieusement les parties génitales. Mais l’impression est peut-être seulement due au tatouage: à quel point peut-on être proche – ou souhaiter le devenir – de quelqu’un qui se met un couteau sur la gorge? Baltzley, on l’apprend vite, ne saurait faire les choses différemment.
Il a déjà passé la moitié de sa vie dans les cuisines
À vingt-six ans, il a passé la moitié de sa vie dans des cuisines de restaurant, se faisant à la fois une réputation de grand chef américain et d’épouvantail du monde de la gastronomie. Un accro que ses obsessions rivales – et sans doute inséparables – de la cuisine et de la défonce ont poussé vers des abîmes de plus en plus profonds à chacune de ses chutes vertigineuses. En moins d’un an, Baltzley a perdu ou abandonné des emplois de rêves dans quatre des meilleurs restaurants de Chicago :
- Alinea, le trois étoiles de Grant Achatz, qui a fait de la ville le nouveau temple gastronomique du pays
- Schwa, où Baltzley a tenu tête aux humeurs changeantes du chef-propriétaire Michael Carlson et découvert le Vicodin
- Mado, autrefois acclamé mais aujourd’hui fermé, qu’il a quitté avec l’ensemble des commis de cuisine
- Tribute, le restaurant de Simon Lamb à l’Essex Inn de la Michigan Avenue. Après avoir obtenu le titre de chef cuisinier de Tribute, Baltzley a manqué l’ouverture, atterrissant en désintox après trois jours de descente particulièrement brutaux, presque tout entier passés à sniffer de la coke.
« Quand il a les idées claires, il fait partie de ces chefs qui n’ont aucune limite »
« Quand on sait la fascination maladive de notre époque pour la gastronomie, il y a un réel danger à se retrouver catalogué de la sorte », affirme Jared Wentworth, le chef cuisinier du restaurant étoilé Longman & Eagle, à Chicago. « Mais ceux d’entre nous qui savent que ce métier n’est qu’exploitation et misère se disent, en entendant l’histoire de Brandon: « Qui n’est pas passé par là? » Je sais que j’y suis passé et que pas mal des chefs que j’admirais étaient défoncés à la coke lorsqu’ils étaient premiers commis. C’est ce que tu fais après qui compte. »
Pour l’heure, la dernière tentative de rédemption de Baltzley se prépare dans cet appartement: un dîner éphémère dont les réservations affichaient déjà complet il y a des mois. Prévue pour le lendemain soir sur un toit-terrasse du centre-ville, la succession de dix plats à 100 dollars par tête constituera l’inauguration de CRUX.
CRUX un nouveau concept
« un concept visant à transposer le modèle commercial collaboratif à la scène gastronomique de Chicago ». Alors que la nuit tombe, Baltzley et son équipe se préparent à une nuit blanche tandis que desserts émulsionnés, panna cottas et os à moelle peinent à prendre forme, à gélatiner et à braiser correctement dans le four rempli à ras bord et le frigidaire plein à craquer de la petite cuisine américaine.
Tables étoilées
Baltzley, clean depuis trois mois, a été courtisé par des investisseurs pour ouvrir son propre restaurant et a reçu diverses propositions de tables étoilées… mais CRUX est pour l’instant en tête de ses priorités. « Le mec peut cuisiner à plein régime, affirme Wentworth. Quand il a les idées claires, il fait partie de ces chefs qui n’ont aucune limite. » Les seuls à pouvoir partir en vrille comme des rock stars sont les « chefs rock stars » – ceux des chefs qui ont non seulement un don mais aussi une passion sans borne pour leur art.
L’obsession à cuisiner !
« C’est avant tout l’obsession qui te pousse à cuisiner », explique Kevin McMullen, qui s’est révélé comme l’un des meilleurs assistants de Baltzley pendant les semaines de préparation. « C’est comme l’odeur des frites sur tes vêtements. Tout l’alcool du monde ne suffirait pas à te détourner de ton objectif. »
Ce qui pose la question suivante: Pourquoi se donner tant de mal ?
Gateau d’anniversaire au crabe
Les réponses commencent à affluer après minuit, quand ils attaquent les derniers préparatifs: un gâteau d’anniversaire au crabe confit – une réplique de cake au crabe qui sera présenté comme le premier d’une série de quatre desserts, grâce à un glaçage aux épices Old Bay et un « miroir » d’orange brûlée. Une glace à la lavande, qui imite le légendaire salep dondurma turc, un dessert élastique et caoutchouteux à base de lait, d’orchidée et de résine de lentisque. Devant la viscosité de cette nouvelle invention, émulsifiée au mastic, Baltzley fait jurer à l’assistance de garder le secret. « Je n’ai jamais été aussi heureux depuis que je suis arrivé à Chicago », confie-t-il en modelant des cylindres avec le gel obtenu.
Shot de thé vert et pudding au tabac
Les shots de thé vert de Baltzley le tourmentent depuis qu’il a imaginé ce dîner. Il voulait les présenter en début de repas, non pas pour leur effet apaisant, mais pour leur astringence. L’idée lui est venue quand Dave Beran, le chef qui l’a recruté à Alinea, lui a montré le site Everything Is a Remix, dédié à un documentaire sur la création et la collaboration: « Pourquoi ne pas singer tous les chefs que je respecte le plus ? En une bouchée ? »
Une émission de cuisine sous poppers
Le remix de Baltzley évoque une recette de l’émission culinaire Chopped réalisée sous poppers : prenez les ingrédients surprise de quatre « paniers mystères » (foin, tabac, Fisherman’s Friend et thé vert) et improvisez un amuse-bouche pour accueillir l’élite culinaire de Chicago dans votre pire cauchemar.
La base de son pudding au tabac, une infusion de feuilles de cigare, me donne envie de vomir: un huitième de cuillère à café me donne l’impression d’avoir un cendrier à la place de la bouche. Et pour les invités non-fumeurs ?
« On les emmerde. » … Bon. » Pourquoi ne pas simplement créer un menu avec la drogue pour thème ? »
Baltzley hausse les sourcils, incrédule: » Qu’est-ce que tu crois qu’on est en train de foutre ? »
5 ans d’aller retour en cure de désintox
Après cinq ans d’allers-retours en cure de désintox, Baltzley n’est toujours pas convaincu par les mantras habituels de la guérison, le modèle des douze étapes et la « puissance supérieure ». « Je vais aux réunions et j’adhère au processus, confie-t-il. Mais je n’ai jamais passé la moindre ‘étape’, ni ne me suis tourné vers une quelconque ‘puissance supérieure’. J’en suis venu à réaliser que, pour moi, tout du moins, tout n’est qu’affaire d’impulsion, d’obsession – que ce soit les drogues, la picole, la cuisine ou la batterie. T’imagines pas l’emprise que peut avoir un simple beat sur moi. »
Il commence à cuisiner dans la cuisine de sa mère dans un bar gay
Quand on le presse, Baltzley fait remonter cette impulsion à sa mère, Amber, à qui il parle encore tous les jours. « À côté de sa vie, la mienne semble insipide », affirme-t-il. Peu avant sa naissance, Amber épouse un certain Monsieur Baltzley pour couvrir les coûts de sa grossesse. Ils déménagent à Jacksonville, en Floride, mais ne restent jamais longtemps dans un même appartement, et les meilleurs souvenirs d’enfance de Baltzley sont les après-midi passés dans la rue des bars gay où travaille sa mère, « à boire des Coca cerise, à jouer à Pac-Man, et à passer Meat Loaf sur le jukebox ». C’est là qu’il commence à cuisiner, à l’âge de huit ans, en aidant à la préparation de potages et de soupes épaisses dans la cuisine que tient sa mère dans l’un des bars.
Lisez la suite de l’épopée culinaire de Brandon Baltzley sur Ulyces.
Rive Marceau
10. avr, 2016
Hello, merci pour votre article très captivant! Je suis intrigué par ce theme. Grâce à votre blog que je viens découvrir, je vais en connaître davantage. Amicalement.