Huile d’olive, les chefs soucieux pour la production
06 déc 2014
Catégorie : Chefs, Presse & Médias
Le Figaro est allé à la rencontre des chefs qui produisent leur huile d’olive … mais les productions sont en baisse à cause d’une mouche et d’une bactérie…
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Les grands cuisiniers font feu de tout bois pour pallier la diminution historique de la production.
À La Bastide-Saint-Antoine, à Grasse, un macaron au Guide Michelin, 1700 oliviers se dressent dans un parc d’une dizaine d’hectares. «Certains ont plus de 2000 ans», glisse avec fierté le maître des lieux, Jacques Chibois. Le désastre est invisible. Habitué à produire chaque année sa propre huile d’olive, le chef n’a rien récolté cette année. «On s’est fait avoir. La mouche a attaqué début juillet, alors qu’on l’attendait fin septembre. Les traitements à l’argile blanche n’y ont rien fait.»
Comme lui, l’ensemble des producteurs français sont à la peine. Selon les premières estimations de l’Association française interprofessionnelle de l’olive (Afidol), la campagne 2014-2015 ne devrait pas dépasser 1500 tonnes, contre 5000 l’an dernier. Du jamais-vu depuis 1956: à l’époque, le gel avait décimé la plupart des oliveraies françaises.
Pourtant, Jacques Chibois envoie toujours en ce moment son plat fétiche: un loup de mer cuit au four sur l’arête, servi sur un lit de fenouil, et arrosé de quelques gouttes d’huile d’olive où a macéré de la vanille (72 €). «Elle absorbe les arômes de la même manière que le parfum se fixe sur les corps gras», commente le Grassois, qui écoule chaque année 200 litres pour ses recettes. «J’en ai conservé 2000 litres de l’an dernier. Nous vendrons l’excédent dans notre boutique. Je suis à l’abri. Mais tous les cuisiniers ne peuvent pas en dire autant.»
Un goût plus acide
Les récoltes alternent généralement années fastes, comme en 2013, et années maigres. À la classique baisse de régime, sont venues s’ajouter de mauvaises conditions climatiques: un hiver doux suivi d’un été pluvieux. La bactérie Xylella fastidiosa (principalement en Italie) et la mouche Bactrocera oleae ont complété le tableau noir, faisant tomber les fruits prématurément cet automne.
À 250 kilomètres de Grasse, dans le restaurant Alexandre, deux étoiles à Garons, près de Nîmes, le chef Michel Kayser attend sa première livraison d’huile de picholine cette semaine. Le fournisseur Christophe Paradis ayant accusé une baisse d’environ 30 % de sa production, les prix ont augmenté: entre 13 et 15 euros l’an dernier, la bouteille de 75 cl coûte désormais deux euros de plus. «Avec 1 à 5 cl utilisés par recette, impossible que cela se répercute sur l’addition», rassure le cuisinier.
En revanche, le goût pourrait changer. «Dès lors que les olives sont piquées, le produit monte en acidité», avertit Alexis Muñoz, producteur d’huiles monovariétales, diplômé de l’École espagnole de dégustation (Escuela española de cata). De facto, la quantité de vierge extra, le top du top, devrait sensiblement diminuer. «Pour minorer la baisse et ne pas effrayer leurs clients, les grands groupes industriels ont déjà commencé à mélanger leurs stocks de l’an passé avec la production de cette année», indique un autre producteur sous couvert d’anonymat. Vigilance, donc. Au-delà de 18 mois (date limite optimale d’utilisation), l’huile d’olive acquiert généralement des notes de rance et de chômé.
L’inquiétude nous ferait presque oublier qu’il fut un temps où, sur les tables françaises, ce divin liquide était une denrée d’exception. Sa consommation s’élevait à 20.000 tonnes par an au début des années 1980. Elle a grimpé à 100.000 en 2013-2014. Rien n’est éternel. «Il y a des années comme ça où il faut faire sans, relativise Bruno Verjus, qui pilote le restaurant Table, à Paris. Un coup ce sont les tomates, un coup ce sont les truffes. Cette fois, c’est l’huile d’olive.»
Dès le début de l’été, son ami et fournisseur, Olivier Baussan, patron de Première Pression Provence, l’a averti de la pénurie à venir. «J’y vois une chance d’emprunter de nouvelles voies. J’ai déjà conduit pas mal d’essais, comme une infusion de fleur de bourrache avec de l’huile de cameline, ancêtre du colza. Cela apporte un côté herbacé et contrebalance le noisetté et le gras d’un bar ou d’une dorade crus.» Après tout, la cuisine s’est souvent construite en empruntant des chemins de traverse.