A. Gauthier : » La première des qualités pour un jeune cuisinier, c’est d’être courageux «
08 juin 2014
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Presse & Médias
C’est sur le site – vivrelarestauration.com – que nous avons déniché pour vous des extraits d’interviews du chef très en devenir actuellement, Alexandre Gauthier qui depuis son restaurant La Grenouillère à La-Madeleine-Sous-Montreuil livre un regard très réaliste sur la formation et l’univers de la restauration.
Les pieds sur terre, la tête pas tout le temps dans les étoiles, le chef parle sans concession de la réalité de notre métier, les passions qu’il déclenche mais aussi les frustrations qu’il crée.
Lisez et savourez, ou cliquez sur le LINK pour obtenir la troisième partie de l’interview.
« Je ne suis ni son père, ni son professeur, juste un maître de stage», Alexandre Gauthier, La Grenouillère, La Madeleine-sous-Montreuil (3/3).
Dans son restaurant de La Grenouillère à La Madeleine-sous-Montreuil, Alexandre Gauthier a fait le choix de ne plus accueillir des apprentis. Au terme de notre série d’entretiens, nous lui avons demandé de nous expliquer ce choix.
« Je n’ai plus d’apprenti ici depuis 5 ans. Pourquoi ? Parce que je suis allé de déception en déception. Tu as beau être le maitre d’apprentissage, si le jeune ne travaille pas en classe, tu n’as pas de temps pour l’inciter au boulot et réellement t’occuper de lui. Quand l’école te téléphone pour te dire que le jeune n’est pas à l’école ce matin, ce n’est pas à moi de le prendre en charge. Je ne suis ni son père, ni son professeur, juste un maître de stage qui a la responsabilité de son propre restaurant. Ce n’est pas à moi de l’éduquer.
Je ne veux pas et ne peux pas être le gendarme pour ces jeunes. Mon métier, c’est de faire tourner ma cuisine et mon restaurant. J’admire le travail de Régis Marcon et de tous les cuisiniers qui s’investissent dans la formation, mais mon actualité n’est pas là. Je ne peux pas avancer avec des jeunes qui parfois trichent dans le travail, et c’est pour cela que j’ai abandonné.
J’ai une cuisine tellement ouverte sur la salle que ce n’est pas possible de faire vivre à la clientèle une quelconque pression. Sous le regard des clients, tout doit être huilé, sans aucune anicroche. Par contre, je prends des stagiaires, vers 19 ans, qui sont certainement plus mûrs et surtout qui ont une réelle volonté d’apprendre et de travailler. Ce n’est pas parce que les charges sur les apprentis sont faibles que c’est une bonne raison de les accueillir. Non un apprenti, c’est avant tout du temps passé avec lui pour le guider dans sa formation.»
«Peu de gens se rendent compte que la cuisine, c’est avant tout chronophage», Alexandre Gauthier, La Grenouillère, La Madeleine-sous-Montreuil (2/3)
Dans notre dernier article, nous donnions la parole à Alexandre Gautier pour qu’il revienne sur les personnalités qui ont marqué sa formation. C’est en 2003 qu’Alexandre Gauthier reprend les cuisines de La Grenouillère, prenant la suite de son père. A 35 ans, il est déjà récompensé par 2 étoiles au guide Michelin et 4 toques au guide Gault & Millau. Nous lui avons demandé ce qui était le plus difficile à apprendre pour un jeune cuisinier.
« La première des qualités pour un jeune cuisinier, c’est d’être courageux. Il ne doit rien lâcher. Il faut faire vivre des choses aux jeunes et leur faire comprendre que le métier de cuisinier, c’est prendre du plaisir en donnant du plaisir. Et cela autant que faire se peut dans tous les styles de restauration. Mais c’est une chose compliquée à apprendre car avant le plaisir au travail, les jeunes viennent surtout apprendre un métier pour gagner leur croûte. Ne jamais oublier cela, dans la majorité des cas, les gars ou les filles sont là pour avoir un métier, pas pour le fun ou le plaisir.
Je pense que le plus difficile à enseigner, c’est le rythme. Au boulot tôt le matin et tard le soir, c’est dur physiquement. Peu de gens se rendent compte que la cuisine, c’est avant tout chronophage. Si tu veux vraiment vivre la cuisine, tu es très vite pris tout le temps par ton métier. Chaque jour d’ouverture, nous avons deux ‘dead-line’ : le service du midi et le service du soir. C’est très compliqué de passer de la vie à la maison, tranquille, à la vie de cuisinier, où la tension est permanente ; il faut arriver à accepter que la vie change autant. Le plus dur en cuisine, ce n‘est de faire cuire un homard, ça c’est de la technique, le plus dur c’est de le faire tous les jours, au rythme du restaurant et des services.»