Ellis/Michelin entretien version 2 – Le Michelin est le Michelin ! -
30 mai 2014
Catégorie : Actualité Chefs & Restaurant, Chefs, Pour le Fun, Presse & Médias, Tendances
Rassurez-vous, il y aura aussi la version 3, que vous retrouverez bien sûr sur F&S samedi, en attendant vous pourrez lire ci-dessous la suite des entretiens entre Michael Ellis l’actuel Directeur Général du Guide Michelin International et le connecté Thibaut Danancher pour le magazine Le Point en ligne.
Les vraies questions sont posées, même si le discours du guide Michelin est toujours sur la même ligne directrice, et que les voix du Michelin restent impénétrables, le ton est plus direct et les sujets qui fâchent ne sont pas bottés en touche.
En tout cas, on constate une nouvelle approche du guide et une relation plus directe et franche avec les chefs, et surtout une prise en compte des tendances actuelles, des difficultés économiques, et de l’avis du public. Tout cela change fondamentalement du fonctionnement de l’ancien Directeur » Le danseur de tango » comme l’appelle aujourd’hui certains de ses anciens collègues.
Lisez ci-dessous pour retrouver l’interview, sinon cliquez sur le LINK pour retrouver l’original.
Michelin 2014 : Michael Ellis, le directeur des guides Michelin, passe à table
Le patron monde des guides Michelin s’est confié sans détour au Point.fr sur le palmarès de l’édition 2014 en France, ses polémiques et ses méthodes.
Le palmarès 2014 du Michelin a été loin de faire l’unanimité. Prime à la mode en étoilant de jeunes chefs qui pratiquent une cuisine nordique, perte incompréhensible d’une étoile pour Jean-Pierre Vigato et Bruno Cirino, opération marketing du guide en rappelant que 114 tables étoilées offrent des menus à moins de 30 euros en temps de crise…, les voix de la profession et de la presse se sont élevées dans un large concert de critiques. Michael Ellis a accordé une interview au Point.fr. Confessions sans détour du directeur monde des guides Michelin sur l’opus 2014 en France.
Le Point.fr : Le palmarès 2014 du Michelin a été beaucoup décrié par la profession et la presse. Comment avez-vous vécu ces critiques ?
Michael Ellis : J’ai vécu cela comme on le vit chez Michelin depuis 1900 : chaque année, il y a toujours des accords et des désaccords avec nos choix. Notre guide n’est ni plus ni moins que le reflet précis des essais de table réalisés par nos inspecteurs anonymes. Ils appliquent une méthodologie précise basée sur cinq critères : la qualité des produits, la maîtrise des cuissons et des saveurs, la régularité, la personnalité du chef dans sa cuisine, le rapport qualité-prix. Le Michelin ne prend aucune décision politique dans la prise ou la perte d’une étoile, seule l’assiette compte !
Les attaques dont vous avez fait l’objet de la part de certains médias pour l’édition 2014 vous ont-elles touchées ?
Je ne suis pas resté insensible ni indifférent à cela. Il faut avoir une peau de crocodile quand on exerce ma fonction. Que des personnes ne soient pas d’accord avec la prise ou la suppression d’une étoile est compréhensible, mais s’en prendre verbalement à ma personne et à mon physique, je ne peux pas le tolérer.
Beaucoup de jeunes chefs ont été récompensés par une étoile en 2014, parmi lesquels un ancien candidat de Top Chef. Lorsqu’on voit la cuisine qu’ils pratiquent, souvent proche de l’école nordique et privilégiant l’épure presque jusqu’au vide dans l’assiette, on a le sentiment que c’est la prime à la mode. Le Michelin n’a-t-il pas opéré un virage pour être tendance comme le « fooding » ou « omnivore » ?
Non ! Absolument pas. Je ne peux pas vous laisser affirmer cela. C’est uniquement le signe de la réussite de jeunes talents grâce à la transmission de leurs aînés. Notre sélection est simplement l’émanation de ce que les inspecteurs trouvent dans les restaurants qu’ils visitent. Nous ne nous occupons pas du palmarès des autres guides. Le Michelin est le Michelin !
Lors de la conférence de presse de présentation du guide 2014, vous avez longuement insisté sur le fait que 114 tables étoilées pratiquaient des menus à moins de 30 euros. Le Michelin verserait-il désormais dans le marketing ?
Le climat économique d’aujourd’hui est compliqué. Il me semblait important de montrer que les chefs étoilés savent adapter leurs offres à la bourse des clients en cette période difficile.
La profession et la presse ont été, dans l’ensemble, choquées par la perte de la deuxième étoile de Bruno Cirino et de Jean-Pierre Vigato. Reconnaissez-vous avoir commis là deux graves erreurs ?
Nous ne pouvons accorder que foi aux essais de table des inspecteurs. Ce sont les décisions qui s’imposaient sans contestation possible pour ces deux chefs. Nous avons, par exemple, eu lors de nos visites chez Jean-Pierre Vigato des soucis dans la qualité des cuissons sur les poissons et les viandes. C’est extrêmement douloureux pour nous, mais nous n’avions pas d’autre issue possible que la suppression d’une étoile. Notre souhait est que Bruno Cirino et Jean-Pierre Vigato retrouvent leur deuxième étoile le plus vite possible.
Organisez-vous de votre propre initiative des rendez-vous avec des chefs ?
Jamais ! Ce n’est pas la politique du Michelin. Vous imaginez le remous que cela pourrait provoquer. Lorsque je m’entretiens avec des chefs, c’est toujours à leur demande, jamais à la mienne.
Avez-vous reçu des chefs à leur demande après l’édition 2014 du Michelin ?
Oui, plusieurs !
Lesquels ?
Je ne me le rappelle que très vaguement (rires). Plus sérieusement, ces rendez-vous restent secrets.
Chaque restaurant étoilé est-il au moins visité une fois par an par vos inspecteurs ?
C’est la règle pour les quelque 600 tables étoilées du guide. Et lorsque nous attribuons une deuxième ou une troisième étoile ou que nous retirons une deuxième ou une troisième étoile, nous pouvons réaliser jusqu’à sept visites anonymes.
Des dizaines de chefs en France possèdent la liste des inspecteurs Michelin avec leur nom d’emprunt pour la réservation et leur vrai nom figurant sur leur carte bancaire. L’anonymat dont vous vous félicitez sans cesse n’existe pas réellement…
Le Michelin possède le procédé d’inspection anonyme le plus performant au monde. Il y a toujours des personnes qui passent à travers les mailles du filet. Nous n’avons aucun moyen de lutter contre cela !
En 2007, cinq chefs avaient décroché la troisième étoile. Depuis cette édition-là, il n’y a qu’une table qui récolte chaque année trois étoiles et il n’y en a même eu aucune en 2011. Pourquoi accordez-vous désormais la consécration au compte-gouttes ?
Nous n’avons aucune règle sur le nombre de trois étoiles primées. Le numerus clausus n’existe pas au Michelin. Nous récompensons d’une troisième étoile un restaurant simplement quand il la mérite.
A contrario, le Michelin rétrograde très rarement des restaurants au sommet du guide. On a la sensation que les trois étoiles sont attribuées à vie…
C’est totalement faux ! Il y a certaines tables dont la cuisine n’est pas considérée comme moderne, tendance ou mode, ça, c’est sûr. La soupe VGE (Valéry Giscard d’Estaing) de Paul Bocuse n’est, par exemple, pas du goût de tout le monde, mais nous ne pouvons pas dire que les ingrédients qui la composent ne soient pas exceptionnels, que la cuisson n’est pas au top et que les saveurs ne soient pas délicieuses. C’est clairement un plat trois étoiles. Nous sommes obligés encore une fois de rester sur nos bases que sont les essais de table de nos inspecteurs. Nous sommes fidèles à nos méthodes.
Plusieurs chefs déjà trois étoiles à Paris vont ouvrir une nouvelle table dans la capitale avec l’ambition de décrocher encore le Graal. Est-il possible d’avoir deux fois trois étoiles dans une même ville ?
Bien sûr que oui ! Il n’y a aucune règle en la matière.
Le Michelin pourrait-il créer une quatrième étoile ?
Non, ce n’est pas à l’ordre du jour. J’aurais du mal à l’imaginer. Les trois étoiles sont ancrées depuis 1926 dans l’histoire du Michelin et de la gastronomie mondiale. Pourquoi changer ce symbole universel ? Après, on ne sait jamais, « never say never » (ne jamais dire jamais, NDLR).