Grébaut : Plus on s’agrandit, plus on a de succès, moins on est cuisinier dans sa cuisine

24 fév 2014
Catégorie : Bonnes adresses, Chefs, Presse & Médias, Tendances

F&S- Les yeux dans les yeux – mais là ce sont des vérités que lance le chef Bertand Grébaut sur – Les InRocks -. Le chef de Septime  à Paris répond à une interview de  Anne Laffeter qui ne manque pas de remuer les marmites. Cette interview que nous envoie une des internautes de F&S, nous avons failli passer à côté, pourtant elle est incontournable pour comprendre la jeune génération des chefs que le monde regarde aujourd’hui.

Le mec, il a une vraie gueule … la photo, elle déchire bien !

Allez, pour F&S, vous pourrez en lire une partie ci-dessous … pour la retrouver en intégralité … cliquez sur le LINK.

 

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Chef du restaurant Septime, Bertrand Grébaut est à 32 ans l’un des cuisiniers les plus doués de sa génération. Il évoque le graff, Instagram et le guide Michelin.

grebaut

photo Yann Rabanier

Quand tu ouvres Septime en 2011, le succès est immédiat. Depuis, Septime est entré en 2013 dans le classement des 50 meilleurs restaurants du monde de la revue britannique Restaurant. Comment un chef vit une notoriété si fulgurante ?

Bertrand Grébaut - Les grands chefs de palace ou ceux qui passent à la télé ne sont plus les uniques protagonistes de la bouffe. Les chefs plus alternatifs de l’Est parisien, comme Inaki Aizpitarte (Le Chateaubriand) et dont je fais partie, sont aujourd’hui plus connus à l’étranger que Jean-François Piège (la brasserie, le restaurant et la pâtisserie Thoumieux, Top Chef) ou Yannick Alléno (ex-chef du Meurice, trois étoiles au guide Michelin). Cette renommée complique parfois le travail. Je passe mes journées à faire de la relation-presse ou de la gestion. En dehors des heures de cuisine, je ne fais plus de cuisine. Et même au service, je n’en fais plus. Je mets des idées sur papier, je discute avec ma seconde. Elle fait les essais, me fait goûter et je valide. Plein de chefs s’en cachent. Plus on s’agrandit, plus on a de succès, moins on est cuisinier dans sa cuisine.

Est-ce qu’on t’a déjà contacté pour participer à une émission ?

Oui. Mais refus catégorique. Ce serait passer du côté obscur. La manière de présenter la cuisine à la télé française est cheap. Hier soir, j’étais un peu malade, j’ai regardé Top Chef sur le net. On le regarde comme on regardait le premier Loft Story. Dans les pays anglo-saxons, les émissions sont plus dynamiques et spontanées. Le show de Jamie Oliver est plus moderne. Il fait des recettes intelligentes. Il y a aussi Eddie Huang sur Vice, Anthony Bourdain sur Travel Channel ou Cauchemar en cuisine de Gordon Ramsay. Le mec est fou, tu as envie de regarder.

Avant de découvrir la cuisine, tu passais ton temps à faire des graffitis. Peux-tu nous raconter ?

Je n’étais pas un rigolo. J’ai pris des amendes, des perquisitions. La moitié de mon crew a été en prison. On était dans un délire tellement puriste qu’on considérait qu’il n’y avait qu’une manière valable de faire du graffiti : dans le métro, parce ça avait démarré comme ça à New York. Les mecs qui dessinent des jolis persos sur les murs des terrains vagues n’existaient pas pour nous. On faisait que du super-vandale, du vrai graffiti, sur les rames des métros de Lyon, Amsterdam, New York, Paris.

Tu prenais des risques ?

Tu peux finir en prison dans des pays où c’est pas la joie. C’est aussi hyper dangereux et ça peut coûter cher. Je suis né à Paris dans le Ve. J’étais un gamin de bonne famille, je ne vendais pas de drogue. Si je me faisais attraper, je pouvais me défendre alors que d’autres étaient pris pour des cas sociaux. On a démarré pendant les grèves de décembre 1995. J’avais 14 ans et tous les métros et RER étaient en arrêt. De 1999 à 2003, j’ai fait du graff de manière intensive. Je ne faisais que ça. J’ai arrêté quand j’ai commencé la cuisine. Ça m’a occupé.

Que penses-tu du travail de Banksy et du street art aujourd’hui ?

Dès lors que le street art devient légal, il perd tout son sens. Les trois-quarts des graffeurs qui ont fini sur des toiles dans des expos sont un peu des imposteurs. Mais je ne mettrais pas Banksy dans ce lot. Il n’a jamais vraiment été actif dans le graffiti, il a toujours été un artiste à part entière, je respecte.

Le graff apparaît parallèlement à l’explosion du rap et du hip-hop…

On était une génération pétard. On fumait des spliffs, on écoutait du rap. Ça allait avec. En danse hip-hop, les Français étaient champions du monde. C’est l’époque de Kourtrajmé… A notre époque, les drogues chimiques étaient moins à la mode. On les a découvertes plus tard, ce qui n’est pas vraiment mieux.

Aujourd’hui, tu écoutes toujours ce genre de musique ?

Oui. Il m’arrive d’aimer le mauvais rap actuel comme Asap Rocky ou Kendrick Lamar. Mais depuis trois ans, je n’écoute plus grand chose. Je ne mets pas de son chez moi car j’ai besoin de calme après tout le bruit au resto. J’écoute de la musique seulement au travail ou en club.

Et Booba ?

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Est-ce que le graffiti ou l’art en général influence ta cuisine ?

Je suis contre le parallèle entre l’art et la cuisine. La cuisine n’est pas de l’art. Les chefs qui se prennent pour des artistes, ça n’a pas beaucoup de fond. Je revendique un travail instinctif, spontané, un travail d’artisan.

Prends-tu des photos de plats avec Instagram ?

Je suis passé à côté de Facebook. Instagram, c’est drôle, mais je n’ai pas envie de tomber là-dedans. Par contre, je suis l’actu du resto sur Twitter. En général, je ne vois que des tweets sympas. Au pire, ils s’attendaient à mieux parce qu’ils ont beaucoup entendu parler du resto. Quand les gens réservent trois semaines à l’avance et qu’ils tombent un soir où le menu n’est pas aussi cool que je le voudrais, il peut y avoir une déception. Je revendique pourtant que Septime est un lieu simple, sauf qu’on a trois semaines d’attente.

On a toujours décrit le monde de la cuisine comme dictatorial…

J’ai été comme ça à l’Agapé. Quand j’ai ouvert Septime, j’étais super hardcore parce que j’étais stressé.

J’ai vu défiler trente cuisiniers en huit mois. Je me suis calmé. Je tiens à ce que tout le monde mange à heure fixe, assis, c’est le break d’une journée de 14 heures. Il y a une rotation pour les jours de congés, les salariés sont payés correctement, partagent les pourboires à égalité du plongeur au second… C’est un resto de gauche. Tu ne passes pas forcément à droite quand tu as vingt-cinq employés.

Ça t’intéresse les étoiles Michelin ?

Je l’ai déjà eu, l’étoile. A l’Agapé, en 2009, j’ai été le plus jeune chef étoilé. Je m’intéresse au palmarès, mais j’ai fait des restos étoilés à New York, à Tokyo ou Hong Kong qui n’étaient pas dans les standards. En France, le Michelin a un côté tradi. Les chefs trois étoiles n’ont pas envie de le voir se démocratiser.

Les nouveaux restos branchés, les bistrots ne sont eux-mêmes pas exempts d’un certain conformisme…

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Septime 80, rue de Charonne, Paris XIe

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