Être les meilleurs – élément très subjectif – pour le journal Le Monde les frères Roca à Girona c’est évident
13 juil 2013
Catégorie : Bonnes adresses, Chefs
Pour le quotidien Le Monde dans sa rubrique Style signée par Jean-Paul Géné retrouvez un papier qui vous amène en voyage chez les frères Roca, vous savez le restaurant classé » Meilleur du monde » il y a seulement quelques mois.
Juste pour le plaisir suivez JP Géné dans son son voyage culinaire… Une envie de voyage ? … Attention, il faut du temps pour obtenir une table, prévoyez à l’avance votre réservation…
Les frères Roca sont les meilleurs
Par JP Géné
L’éblouissement dès la première bouchée : guacamole, graine de tomate, eau de tomate et coriandre. Le maître d’hôtel avait simplement annoncé « un petit tour du monde en guise de mise en bouche », et cette bouchée correspondait au Mexique. Caramba ! Les mariachis avaient débarqué dans l’assiette. La suivante faisait escale au Pérou avec un bouillon de ceviche aussi radical que les légumes marinés qui nous ont entraînés en Chine avec un passage au Japon : miso, dashi, yuzu et tempura de nyinyonyaki. La tournée planétaire et apéritive s’est achevée au Maroc : amande, rose, miel, safran, ras el-hanout, yaourt de lait de chèvre. A chaque étape, la même précision dans les goûts, la même justesse dans l’évocation d’une cuisine dont l’identité gustative se trouvait concentrée en une bouchée. Magique.
Nous sommes à Gérone (Catalogne) au Celler de Can Roca des frères Joan (cuisinier), Josep (sommelier) et Jordi (pâtissier) Roca. Trois macarons Michelin et « meilleur restaurant du monde 2013″ selon le classement du World’s 50 Best Restaurants établi par la revue britannique Restaurant avec San Pellegrino. En deuxième position derrière Noma les deux dernières années dans ce jeu de chaises musicales, les frères Roca ont détrôné René Redzepi, sans doute victime des incidents gastriques qui ont frappé, en février dernier, sa clientèle et terni la réputation du restaurant de Copenhague. Avec la modestie qui caractérise la famille, Josep murmure que cela n’a pas changé grand-chose, le délai de réservation s’est allongé et la clientèle s’est encore plus internationalisée, « mais nous gardons toujours 40 % de locaux », tient-il à souligner.
OCÉAN DE DOUCEURS MARINES
Après la brusque disparition du chef Santi Santamaria en février 2011 et la fermeture d’El Bulli de Ferran Adria la même année, Can Roca reste le dernier 3-étoiles de Catalogne et symbolise assez bien la révolution gastronomique qu’a vécue en deux décennies cette province au nationalisme à fleur de peau : le passage de la tradition catalane à la créativité moderne et à la célébrité mondiale. Les frères Roca ont su faire la synthèse entre le patrimoine transmis au restaurant familial et la nouveauté, rendue indispensable dans le sillage de Ferran Adria. En témoigne cette « gamba entière grillée, jus de la tête aux algues, eau de mer, biscuit au plancton ».
Elle vient bien sûr de Palamos – haut lieu de la crevette méditerranéenne sur la côte voisine -, et on mange sa tête comme un bonbon et sa chair comme un fondant. Dans le menu, la gamba arrivait à mi-parcours, derrière une « salade d’anémones de mer, couteaux, concombre de mer et algues en escabèche » dégustée avec une longue pince à épiler en guise de baguettes. Un océan de douceurs marines. Que dire de la « glace viennetta aux asperges blanches et truffe d’été », de la « kokotxa de sardine grillée, sauce verte », de la « langoustine à la vapeur d’amontillado, velouté de bisque et caramel de Jerez », ou encore de la « ventrèche et ris d’agneau grillés au feu de bois, aubergine, café et réglisse », du « parfait de pigeon, oignon, noix caramélisées au curry, genièvre, zeste d’orange, herbes » et de tous ces desserts dont une « adaptation du parfum Shalimar de Guerlain » avec orange sanguine, vanille, mangue et roses ?
La sagesse conseillerait de se taire et de déguster en silence, loin des « j’adore » et autres « sublimissimes », dans ce cadre ouvert et lumineux comme la cuisine du chef, sans les postures de la nouvelle intelligentsia ni le protocole d’hier. Ce fut un dîner remarquable accompagné par une carte des vins en plusieurs volumes, qui nécessiterait des semaines d’investigation. Une cuisine aussi bouleversante que lisible et inoubliable. J’ai quitté Gérone avec un seul regret : n’avoir pas connu les meilleurs cannellonis du monde. Ceux de Montserrat Fontané, la maman, qui, dans son restaurant, nourrit 150 personnes avec l’aide de deux commis, alors que, à cent mètres de là, ses fils en servent moitié moins avec 50 employés. Elle le sait bien, Montse, tous les jours ils viennent manger chez elle…
JP Géné