Noma, une table pas loin de la perfection
13 juin 2013
Catégorie : Bonnes adresses, Chefs, Presse & Médias
L’Express a testé NOMA à Copenhague. Le chef René Redzepi passé un temps au Jardin des Sens à Montpellier, est devenu en quelques années une référence mondiale d’un mouvement culinaire qui remue la planète food. Le journaliste François Régis Gaudry s’est posé à la table du chef.
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On a testé Noma et son terroir nordique à Copenhague
Ces temps-ci, quand on dit « Noma« , ça jette un froid. Polaire. La faute à cette intoxication alimentaire qui a frigorifié l’estomac de 63 clients en février dernier.
Le terroir nordique existe
Depuis, les globe-croqueurs sont un peu moins chauds à l’idée de braver six mois d’attente dans le carnet de réservations. Et, comme pour dérégler un peu plus le baromètre, cette Mecque gastronomique titrée « meilleur restaurant du monde » en 2010, 2011 et 2012, vient d’être détrônée par El Celler de Can Roca, le restaurant des frères Roca à Gérone, en Espagne.
Rassurez-vous, le chef danois René Redzepi n’a pas encore viré Hibernatus. Son bouillonnant talent rayonne plus que jamais dans son ancien hangar des docks designé scandinave et looké viking (confortables, ces peaux de bête).
Décroché de haute lutte à la fin de 2012, notre déjeuner du samedi 25 mai en a fait la cinglante démonstration: une bonne vingtaine de plats ingénieux, surprenants, déroutants, reposant sur un slogan identitaire désormais partagé par la plupart des fines lames du Danemark, de Suède ou de Norvège: le terroir nordique existe…
Crevette crue et lichen aux cèpes
N’en déplaise aux coqs à toque qui ont tôt fait, du haut de leur France bénie des dieux, de railler les bouffeurs de lichen et les grignoteurs de bourgeons de sapin.
Le lichen, certes, s’est fait mousser en début de repas: frit, fardé de poudre de cèpes, et, à vrai dire, pas franchement mémorable. Quant aux bourgeons de sapin, on s’en est farci à toutes les sauces, cachés dans les cosses de petits pois croquantes ou effrités au pied des asperges blanches grillées.
Mais il y avait bien d’autres cueillettes marines, côtières, champêtres ou sylvestres au coeur de ces stimulantes agapes sauvages: les graines d’orme dans leur membrane verte, dont on se saisit avec les doigts pour essuyer une prodigieuse pâte de levain caramélisé, l’oursin des îles Féroé posé sur une irrésistible tartine de pain dentelle, la crevette crue du nord du Danemark, taillée en fin tartare et glissée dans une enveloppe d’ail sauvage dans un bouillon de rhubarbe, la petite pomme de terre de variété yellow finn, laquée d’un miso d’orge aux fulgurantes notes cacaotées et escortée de caviar de Finlande, ou encore ce poireau carbonisé au barbecue, renfermant dans ses entrailles fondantes et brûlantes un foie de cabillaud aux myrtilles.
Un service qui frôle la perfection
Autant de prouesses où le défi technique côtoie souvent la rudesse paléolithique, où les sensations sont frontales, souvent fumées mais rarement fumeuses. A l’exception peut-être de ce travers de boeuf maturé cinq semaines, frotté d’airelles et d’herbes fraîches, aux notes faisandées carrément gênantes.
Devant cet incident de parcours, au moment de desservir votre assiette à peine entamée, un garçon s’enquiert de votre avis et vous propose un turbot pour se faire pardonner… Car, s’il y a bien une chose qui frôle la perfection chez Noma, c’est le service.
Chorégraphié au métronome, à la fois cool et pro, il fait défiler à votre table un jeune Français fraîchement débarqué de chez Anne-Sophie Pic, un inoffensif Danois piercé et tatoué de partout, ou un sommelier tiré à quatre épingles qui vous fait découvrir l’un des plus beaux frissons de cette randonnée gastronomique: Arwen, un sémillant vin blanc de l’île de Lilleo, assemblage de sauvignon blanc, de sylvaner, de riesling et de solaris, produit en association avec René Redzepi.
Plus grand-chose ne semble résister à cet aventureux druide boréal.