The 50 Best Restaurant – Centralisme Parisien, manque de Curiosité et Pantouflardisme – les 3 maux de la France culinaire selon Andréa Petrini

03 mai 2013
Catégorie : Presse & Médias, Tendances

Le journaliste Andréa Petrini, membre influent du comité qui livre chaque année la fameuse liste des 50 World’s Best restaurant, a accordé une interview au site Obsession du Nouvel Obs…. juste de quoi remettre certaines pendules à l’heure affirme t’il … Intéressant de suivre son analyse d’un évènement qui en quelques années  a un retentissement mondial et fait  » buzzer la planète food « …. 

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LES DESSOUS DU WORLD’S 50 BEST RESTAURANTS

Les frères Roca du restaurant El Celler de Can Roca ont gagné le World’s 50 Best Restaurants hier à Londres. Mais Andrea Petrini, journaliste et membre de ce comité, raconte les dessous de ce titre. A table !

L’adage est connu : « Le rock’n’roll a sauvé ma vie ». Les World’s 50 Best Restaurants Awards ont, eux, pourri la mienne. Depuis que je fais du bénévolat en tant que président du jury français, participant chaque année à l’élection des 50 meilleures tables de la planète, les emmerdes tombent comme la rosée au matin. Michel Troisgros ne m’adresse (presque) plus la parole. Guy Savoy lance des piques chaque fois que l’on se croise : « Je ferai partie du jury le jour où tu reviendras manger dans mon resto. » Même la voisine du 1er étage fait la gueule : « Je suis allée avec mes collègues dans ce resto classé troisième dans la liste : quelle déception ! Comment peut-il être si haut placé ? »

Débrouillons les brouilles, remettons les pendules à l’heure. Qu’est-ce que les 50 Best ? Pas vraiment un guide. Plutôt une compilation, une playlist. Un sondage, les doigts dans la prise électrique de l’air du temps, auquel concourent 900 et quelques votants éparpillés à travers le monde. Joli cocktail – un tiers de journalistes, un tiers de cuisiniers, un tiers de restaurateurs plus un double shot de foodies éclairés et résolument bourlingueurs – qui, chaque mois d’avril lors de la remise londonienne des trophées, fait buzzer la planète.

UN ALTER-GUIDE EST NÉ

Les pros du métier, les critiques gastro, les bureaucrates de la food crient tous au scandale. À la manipulation. On évoque d’obscures manœuvres, des complots maçonniques, carrément des lobbyings étatiques. On fonce droit dans le mur du ridicule lorsque le notaire de la bonne chère, Périco Legasse, délaissant sa chaire à Marianne pour le plateau de TF1, déclare à l’antenne que « les 50 Best ne sont qu’un complot mené par l’Espagne pour discréditer la grande cuisine française dans le monde ».

Rappelons pourtant qu’au crible des résultats, comptabilisant le nombre de restaurants primés et de tables d’inspiration frenchie, le pays d’Escoffier et de Norbert (star de Top Chef sur M6) est toujours le mieux loti. Faut-il revenir 40 ans en arrière, à une époque où la France donnait le la en matière de cuisine à la terre entière ? L’un des atouts des World’s 50 Best Restaurants Awards est d’avoir poussé jusqu’au trépas cette page historiquement périmée.

Quant à nous, la première fois que l’on trébucha sur 50 Best, ce fut en juin 2002 au QG de Ferran Adrià à Barcelone. Entre visite éclair de son laboratoire et preview du premier de ses livres « El Bulli », le magicien catalan glissa en passant : « Le mois dernier, j’étais à Londres. El Bulli y a été élu meilleur restaurant du monde. Bizarre, non ? Un nouveau prix, décerné par un journal anglais, Restaurant Magazine. Ça vient de sortir, je ne connaissais pas. »

Loin de tout complot maçonnique, les 50 Best sont nés comme ça : par hasard. Lors d’un comité de rédaction tourmenté à « Restaurant Magazine », revue britannique pour professionnels (l’équivalent du Chef ou de L’Hôtellerie dans nos contrées), en manque d’un sujet pour le futur numéro de mai 2002. « Et si on bouclait une liste des 50 meilleurs restaurants ? » Aussitôt dit (par Joe Warwick, rédacteur en chef de l’époque), aussitôt fait. Il fit appel en urgence à un jury de chefs et de journalistes, plus voisins que lointains.

Les résultats ont pu prêter à sourire. Mais avec Adrià en tête de peloton, ils ont surtout fait saturer les lignes de Radio Casserole à travers le globe. Un alter-guide était né. D’année en année, chevauchant allègrement l’inaugural succès médiatique, peaufinant les critères de sélection des votants, récoltant des cris d’outrage à chaque édition, le classement a sauvé la mise – pas encore la vie – d’une flopée de cuisiniers. « Depuis que j’en fais partie, j’ai vu ma clientèle changer. Plus jeune, cosmopolite, voyageuse. Plus préparée et curieuse, elle ne débarque pas pour te juger mais surtout pour vivre une expérience », se confie le triplement étoilé Massimo Bottura de l’Osteria Francescana, restaurant à Modène classé cinquième l’an dernier.

LE DANOIS DÉTRÔNÉ?

En 11 ans, les 50 Best ont tiré le portrait d’une cuisine mondialement mouvante. Au lieu de se cristalliser sur l’immanence inquiète des grands papes reconnus, ils ont ouvert leurs portes aux émergents du monde entier – de l’Espagne au Grand Nord européen jusqu’aux Etats-Unis, l’Asie et la prochaine déferlante de l’Amérique latine.

Au moins une soirée par an, celle de la remise des prix, Londres devient la capitale planétaire de la gastronomie. « La première fois que j’ai reçu l’invitation, je suis tombé des nues. Je ne connaissais pas. Comme à l’époque j’étais dans le rouge, j’ai hésité jusqu’à la veille à investir dans un billet d’avion pour me rendre à la cérémonie des Awards », raconte René Redzepi, le Danois de Noma au zénith du classement depuis 2010.

Qui aurait prédit que cet inconnu allait sonner le glas de 15 ans d’hégémonie espagnole fondée sur une approche résolument avant-gardiste et expérimentale ? Pendant longtemps, son restaurant, le Noma, a fait du surplace. « En 2009, tout a changé lorsqu’on a grimpé jusqu’en troisième position. Les Danois ont arrêté de nous prendre pour des demeurés et la clientèle internationale a enfin déferlé. Mon courage pris à deux mains, j’ai viré la carte pour ne laisser que le menu découverte, histoire de n’en faire qu’à ma tête », se souvient-il.

Ce qui n’empêche pas Redzepi de trouver l’idée même du meilleur restaurant du monde « parfaitement ridicule. Noma n’est pas mieux qu’un autre. Je l’ai dit à tous mes cuisiniers : profitons-en tant que cela dure pour faire tout ce dont, jusqu’à présent, on pouvait seulement rêver ». Malgré son jeune âge, 37 bougies en décembre, Redzepi vient pourtant d’une autre époque, celle où « les cuisiniers restaient dans l’ombre. Aujourd’hui, on s’exporte, on voyage, on reçoit. Les journalistes débarquent de l’autre bout de la planète. C’est tout sauf une forme de lobbying : faire découvrir un pays à travers sa cuisine, ça a toujours existé. Libre à moi d’offrir un repas ou pas aux gens dont j’estime le travail. »

Beaucoup de chefs à travers le monde aimeraient détrôner l’infâme Danois. A la veille de la cérémonie du 29 avril, les gossips vont bon train. La rumeur planétaire placerait le Brésilien Alex Atala, du restaurant D.O.M à São Paulo en pole position ? Quid des frères Roca basés dans leur Cellier à Gérone en Espagne ? Le Basque Andoni Luis Aduriz et l’Italien Massimo Bottura mettront-ils tout le monde d’accord ?

C’est que les 50 Best sont devenus la clé de lecture d’une cuisine mondialisée, sans cesse en mouvement. Stars ou pas, les cuisiniers d’aujourd’hui s’exposent, font la ronde des congrès, vecteurs ambulants et VRP d’un storytelling qui va bien au-delà du contenu de leurs assiettes. « Personnellement, les 50 Best, ça m’interpelle », se justifie Yannick Alléno, qui vient de quitter ses fonctions triplement étoilées au Meurice. « Ils ont raison, le monde a changé. Certains de mes confrères michelinisés vous soutiendront le contraire, mais en France, on s’obstine à travailler comme si on était encore 30 ans en arrière. Voilà le vrai problème. Ça sert à quoi, ça sert à qui de continuer à cuisiner aujourd’hui dans un palace ? Ce sera désormais sans moi. » Yannick Alléno a choisi de transhumer six mois par an dans l’hyperluxe moderniste du 1947, le restaurant de l’hôtel Cheval blanc à Courchevel.

LA FIN DU GRAND RESTAURANT

En plus d’avoir enterré le Michelin (appel à témoins : qui le garde encore dans sa boîte à gants ?), le classement s’amuserait à entériner la fin du grand restaurant. Avec en corollaire de cette démocratisation, la globalisation inévitable des cuisines. Tout le monde veut sa part du gâteau, son quart d’heure de célébrité warholienne. Même les hautes instances des Etats ont compris que l’on peut booster l’économie et enrichir l’identité culturelle du pays en promouvant sa gastronomie. Ce n’est pas un hasard si les 50 Best s’exportent (comme le Michelin d’ailleurs) vers d’autres marchés. Lançant à Singapour, en février dernier, la première édition des 50 Best asiatiques.

Les mieux renseignés murmurent qu’après Londres d’autres trophées seront bientôt façonnés pour couronner, lors d’une cérémonie prévue avant la fin de l’année, les lauréats du boom culinaire latino-américain. Ce qui laisserait supposer, lors des prochains Awards, une éclosion de jeunes pousses de ces pays que l’on qualifiait encore il y a peu, ici et ailleurs, de tiers-monde. Heureux les derniers car ils seront un jour les premiers ? En lisant la presse française, on peut s’amuser à deviner où sont partis en villégiature les titulaires des rubriques gastronomie lors des sports d’hiver ou des week-ends printaniers.

Voilà la France toute crachée. Son centralisme parisien, son manque de curiosité, son pantouflardisme. D’autres ont la bougeotte. Et prennent leur besogne moins à la légère. Pour être en mesure de voter, cuisiniers, restaurateurs, blogueurs, foodies et journalistes membres de la confrérie 50 Best bouffent en moyenne, chacun pour soi et en plus du grand menu, des milliers et milliers de kilomètres chaque année. Sans nécessairement manger à tous les râteliers.

Copyright Photo 1 – A Tinozzi

www.theworlds50best.com

Par Andrea Petrini

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Un commentaire pour “The 50 Best Restaurant – Centralisme Parisien, manque de Curiosité et Pantouflardisme – les 3 maux de la France culinaire selon Andréa Petrini”

  1. jean-louis

    03. mai, 2013

    Bonjour,
    avant de donner des leçons, ce cher Andrée devrait réfléchir et ne pas se croire détenteur du savoir.
    http://ideesliquidesetsolides.blogspot.com.es/2013/05/worlds-50-best-restaurants-une-sacree.html

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