L’Express : Les chefs étrangers enflamment les bistrots parisiens
01 fév 2013
Catégorie : Chefs, Presse & Médias, Tendances
On a de plus en plus l’impression que deux mondes vivent maintenant en parallèle, sur deux routes qui ne se rencontrent plus, qui se croisent mais se regardent de loin. L’univers de la Grande Gastronomie avec ses codes et ses contraintes et celui des Bistrots Signatures avec ses libertés et ses prix doux. L’univers des médailles et des étoiles ne partage plus celui des copains au comptoir et du mijotage, ces deux mondes ne courent plus la même course. Pendant que les uns courent après la reconnaissance, les autres courent dans les marchés à la rencontre des maraîchers. La nouvelle génération s’habille en bistrot et se tatoue, alors que la génération précédente qui a voulu elle aussi s’habiller bistrot, a fait la grande erreur de tomber dans le piège de la course aux étoiles, chassez le naturel, il reviendra au galop, Bib Gourmand inventé par le guide Michelin étant la bonne formule pour répertorier les bistrots … Le phénomène des bistrot/comptoirs dans un temps parisien s’étend de plus en plus en province, fini les brigades dignes d’une armée, maintenant on travaille entre potes et on vie mieux… c’est une tendance forte !
Découvrez l’article de L’Express Style qui dresse un portrait d’une France des Bistrots tout en couleur !
Attention Tendance forte !
Les chefs étrangers enflamment les bistrots parisiens
Par François-Régis Gaudry, Mina Soundiram et Charles Patin
La France a beau avoir confirmé son statut de championne de la gastronomie au Bocuse d’or, les chefs étrangers, de toutes origines, apportent leur touche géniale aux bistrots parisiens. Plein feu sur cette nouvelle gastronomie de comptoir.
Yosuke Yamaji – L’Office – Paris 9e
Paris, la belle endormie de la gastronomie. « Voilà, à quelque chose près, le refrain qu’entonnent à tout-va les médias d’outre-Manche. Jusque-là, rien de bien nouveau au royaume des bouffeurs de grenouilles. Plus inquiétante fut la déclaration de Joël Robuchon à l’Evening Standard en janvier 2011. Désignant Londres Food Capital of the World, the French cookstar enfonce le clou: « On s’ennuie dans les restaurants à Paris, Londres ne cesse d’innover, de se tourner vers le monde ». Perfidie d’Albion ou triste réalité?
Pour trancher, on ne saurait trop conseiller au chef constellé de 28 étoiles Michelin de revenir prendre le pouls de la melting-popote parisienne. Alors, il se rendrait compte que non seulement celle-ci bat la chamade mais que les instigateurs de cet électrochoc culinaire sont parfois issus de ses propres rangs.
Simonne Tondo et Michael Greenwold – Roseval – Paris 20 e
La nouvelle génération
Prenez Katsuaki Okiyama. C’est l’homme en tablier qui caracole au buzzomètre ces temps-ci. Affûtée non seulement chez Robuchon mais aussi Taillevent, la fine lame nipponne a retaillé à son image l’idée du bistrot parisien: une trentaine de mètres carrés bien tassés, des murs blanc hôpital, des tables en bois brut, des lustres d’atelier, et un îlot en zinc derrière lequel il cisèle le magret de canard de Challans avec une précision de samouraï et jumelle le coulant chocolat au thé hojicha. A prix gentils. Comme un air de bistronomie…
La bistronomie française
Souvenez-vous: la bistronomie, ce sont deux mots pas très copains -bistrot et gastronomie- qui ont décidé en 2003 de ne faire qu’un. Ce mot-valise est devenu en quelques mois le cri de ralliement, dans toute la France, de ces chefs capés qui quittaient les ors des grandes maisons pour le zinc des petits bistrots. A coups de terrines explosives, de jus pointus et de plats rondement mijotés dans des formules-ardoises à moins de 30 euros, Yves Camdeborde et ses copains chefs ont appliqué dans les années 1990 et au début des années 2000 la formule gagnante.
Santiago Torrijos et Destin Ekibat – L’Atelier Rodier – Paris 9e
Des talents du monde entier
Des talents du monde entier viennent désormais grossir les rangs de la bistronomie française. A commencer par le contingent japonais. « Pour les jeunes Nippons qui veulent devenir cuisiniers, la France reste le pays qui les fait rêver. Beaucoup sont prêts à venir en apprentissage dans les grandes brigades étoilées en renonçant à tout salaire ! » confie Fumiko Kono, star des fourneaux tokyoïtes formée par Alain Passard.
Nouveau phénomène
Phénomène récent: plutôt que de revenir au pays pour ouvrir un grand restaurant français, les nouvelles toques japonaises préfèrent rester dans leur pays d’adoption pour faire des étincelles dans des petits lieux modestes et ouverts à toutes les bourses, à l’image de Yosuke Yamaji à L’Office (Paris IXe), Akihiro Horikoshi à La Table d’Aki (Paris VIIe) ou Masayuki Shibuya chez Clandestino (Paris XIIe).
Face à ce tsunami de vocations japonaises, les autres nationalités ne sont pas en reste: Suédois, Italiens, Argentins, Colombiens, Congolais revisitent à leur sauce les produits et le patrimoine exceptionnels de leur terre d’asile… « Quand j’étais enfant en Colombie, se souvient Santiago Torrijos, le chef de l’Atelier Rodier (Paris IXe), j’ai goûté un jour dans un grand restaurant français de Bogota un canard entier à l’orange. J’ai eu un choc: je n’avais jamais mangé de canard, son assaisonnement était merveilleux. A partir de ce moment-là, la France est devenue un fantasme, une idée fixe ».
Hayden Clout et Matt Ong – Albion – Paris Xe
La britishnomie
Autres nationalités en pointe dans cette légion étrangère: les Anglo-Saxons. Avec un flegme tout britannique, de jeunes toques de Sa Majesté viennent même donner à leurs meilleurs ennemis de sacrées leçons de cuisine de comptoir. La critique a d’ailleurs rebaptisé la bistronomie « britishnomie », c’est dire l’ampleur du phénomène!
De là à réconcilier les médias d’outre-Manche avec les marmites parisiennes…
Crédit Photos : Stréphane Lavoué pour L’Express style