Alimentation : Le beau l’emporte-t-il sur le bon ?
24 nov 2012
Catégorie : Non classé, Produits Saison marché, Tendances
Réflexion sur le beau et le bon… une interview intéressante du Professeur Jean-Pierre Corbeau. Retrouvez le link ci-dessus. Extraits…
Notre alimentation est-elle essentiellement régie par l’esthétisme ?
Il ne faut pas penser qu’aujourd’hui notre alimentation soit gérée essentiellement par l’esthétisme. À moins que l’on considère le packaging de produits transformés comme forme d’esthétisme et que l’on affirme qu’il est déterminant dans l’acte d’achat. Le consommateur va s’approprier les produits basiques comme les végétaux (surtout les légumes, à travers un acte culinaire : l’épluchage et la cuisson). L’imperfection d’un légume disparaîtra à la cuisson, par contre l’épluchage risque d’être plus long et des consommateurs ont tendance à choisir le légume qui leur paraît le plus rapide à préparer (sans tache, sans grosses différences de niveau pour l’éplucheur, etc.). Ceci étant, a contrario, des personnes qui désirent des produits sains, voire bio, interprètent les « défauts » du légume ou du fruit comme un signe de qualité.
On arrive alors à une sorte de paradoxe, les légumes ou les fruits les moins chers (ceux dont on a du mal à connaître l’histoire – provenance, type de production, type de conservation, etc.) qui ne possèdent pas de signe de qualité particulier sont ceux qui doivent – esthétiquement être irréprochables. Ceci est particulièrement vrai pour les fruits (qui ne subissent qu’accessoirement un acte culinaire de cuisson – compote, tarte, clafoutis, etc.) et dont le visuel est le seul critère de construction de la confiance du consommateur.
Selon des trajectoires différentes de consommateurs, on saisit que le prix, la santé, la praticité, le plaisir gustatif espéré, constituent les éléments d’un système où l’esthétisme est présent avec un rôle variable le plaçant entre la première place pour des achats quasi pulsionnels ou en dernière, si la confiance existe et que le produit perçu sain est totalement identifiable.
Faut-il réhabituer les personnes à manger bon et non beau ? Ou au contraire les deux sont intimement liés ?
Il faut habituer les gens à manger bon et à être acteurs de cette alimentation en participant à la réalisation de celle-ci. Le beau devient alors le problème de la présentation et de la dimension ludique qui risque de l’accompagner. Une compote avec des épices particulières ou des fruits différents se métissant dans une verrine peut être très belle même si les bananes, les pommes, les poires, les mangues, les abricots, les prunes qui la composent étaient des fruits parfois éclatés ou abimés pour partie.
N’est-ce pas hypocrite de vouloir lutter contre ce gaspillage alors que tout le monde recherche toujours le fruit ou le légume le plus visuellement appétissant ?
Tout le monde ne cherche pas le visuel concernant le gaspillage, il est très important dans les restaurations collectives sociales où, là, un effort, particulièrement dans la restauration hospitalière et celle des personnes âgées devrait être fait pour rendre le met attrayant.
Plus largement, qu’est-ce que cette obsession de l’esthétisme alimentaire révèle sur notre société ? Pourquoi, par exemple, prenons-nous de plus en plus en photo nos aliments ?
Il est sûr que l’esthétisation de la nourriture est une dynamique forte dans notre société. Ce qui est intéressant, c’est qu’au-delà de la consommation assez passive d’images (de livres de recettes, de pubs, etc.) beaucoup de cuisiniers amateurs photographient leurs réalisations, cela peut aller jusqu’au blog, ce qui est un moyen – inconscient le plus souvent – d’exister socialement, de trouver une reconnaissance chez l’autre qui n’a pas pu partager l’aliment mais se contente de son signe. Cela est vrai aussi des personnes qui, copiant un peu les Asiatiques, photographient le plat qu’on leur apporte au restaurant ou chez des amis pour devenir un support visuel – quasi éternel.
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