Au revoir le Foie Gras : à partir du 1er juillet prochain, définitivement interdit en Californie
25 juin 2012
Catégorie : Brèves de Comptoir
Le 1er juillet, en Californie, une nouvelle loi interdira la vente de foie gras, et de tout produit issu du gavage. Malgré un lever de bouclier d’une centaine de chefs californiens, y compris Thomas Keller, une pétition signée pour abroger l’interdiction, rien n’y a fait. Il y a fort longtemps que cette décision était repoussée, mais les lobbyings de protection des animaux ont été plus forts.
Compte à rebours donc pour que se mette en place cette interdiction, le New York Times se demande si les restaurants vont simplement continuer à servir du foie gras au risque d’amendes allant jusqu’à 1 000 $ ?
La ville de Chicago avait interdit la vente de foie gras de août 2006 à mai 2008, et pourtant cela n’a pas empêché les chefs d’en servir. Au contraire : les restaurants qui n’en n’avaient jamais servi ont commencé à le faire en le déclinant partout, et même dans le burger. Toutefois, certains restaurateurs ont du payer des amendes s’élevant à 250 $, mais rien de plus.
Par contre, la Californie semble prendre la loi plus au sérieux que Chicago. L’amende de 1 000 $ en Californie est décidément plus redoutable et le non respect d’une loi d’État plus difficile à contourner. Donc, fini le foie gras en Californie. Cette décision met aux prises les défenseurs des droits des animaux et les grands chefs et gourmets, défenseurs de cette tradition française d’engraissement par gavage d’oies et de canards.
M. Gonzalez, le seul producteur de foie gras en Californie, assure que ce sont des militants ignorants et des « intérêts particuliers » qui ont eu raison du foie gras. Âgé de 60 ans, il a créé Sonoma Artisan Foie Gras, il y a 26 ans, après avoir quitté son pays et passé un an en France, dans le Périgord, pour y apprendre à préparer le foie gras dans les règles de l’art. Située dans la pittoresque ville de Sonoma, à un jet de pierre des célèbres vignobles de la Napa Valley, au nord de San Francisco, sa ferme est l’une des rares aux Etats-Unis à produire du foie gras — environ 50 000 par an.
Mais le vote en 2004 d’une loi interdisant la production et la vente en Californie de ce mets raffiné, au nom de la protection des animaux, rentre donc en vigueur huit ans après. Les gourmets espéraient que la loi serait abrogée, comme l’avait été, en 2008, un texte similaire adopté à Chicago en 2006, mais il n’en a rien été.
John Burton, l’ancien parlementaire californien à l’origine de l’interdiction, qui compare le gavage à la torture ou à l’excision, n’a rien voulu entendre. « Ils ont eu tout le temps nécessaire pour trouver une forme plus humaine » de gaver les canards, déclarait-il récemment au San Francisco Chronicle.
Les militants de la cause animale se sont également emparés du sujet, organisant notamment des manifestations devant les restaurants servant du foie gras, aux cris de slogans comme « Des canards sans défense sont nourris de force, allez manger ailleurs ».
« Nous voulons avoir le choix », estiment les chefs. « Nous ne voulons pas qu’on nous dise ensuite qu’on ne peut pas servir de poulet, de porc ou de bœuf », estimant que ce n’est pas aux parlementaires de décider ce que peuvent manger les clients, ils craignent que le foie gras ne crée un précédent.
Le procès en cruauté fait au gavage, qui implique l’introduction d’un entonnoir dans le cou des canards et des oies est infondé. « Le gros problème, c’est le manque d’éducation du grand public », déclare l’éleveur, assurant que la physionomie des canards leur permet de digérer de grandes quantités de nourriture et que le gavage n’est pas dangereux pour les palmipèdes, pour peu qu’il soit bien réalisé.
Les amis de la cause sont arrivés à leurs fins, au terme d’une procédure théoriquement bouclée depuis 2004. Avec une exceptionnelle ténacité, des lobbyistes professionnels ont donc réussi à faire appliquer cette interdiction. En tout cas, pour le foie gras, l’affaire est réglée : plus de foie gras sous les palmiers de l’état californien. Où est la logique du » bien pensé américain » et du célèbre puritanisme ?
L’amour des bêtes, c’est finalement très sélectif, on peut s’inquiéter du sort des oies et des canards tout en continuant de se régaler de sushis du menacé thon rouge ou de saumon élevés et traités aux antibiotiques. De même, se gaver de Chicken Nuggets fabriqués à base d’élevages de volaille entassés par dizaine au mètre carré à la lumière artificielle.
Pourquoi aussi se priver d’un kilo de viande prélevé sans douleur après abattage par électrocution d’un bovin élevé dans les vastes plaines de l’Ouest ? Que dire de l’agriculture boostée par les produits Monsanto, les boissons sucrées néfastes à la santé des enfants, les émissions de téléréalité qui retournent la tête et la toxicomanie la plus élevée des Etats-Unis dans cet État…
Où est la logique de cette loi ?