Un lièvre à la broche en famille…
24 nov 2011
Catégorie : Actu Pourcel France, Art, Culture & Traditions
Parfois, il suffit de choses simples pour se replonger en l’espace de quelque minutes vers une multitude de souvenirs qui vont traverser votre esprit, alors vont s’entrecroiser la nostalgie, le bonheur, la tristesse, les regrets, un sourire, des parfums, une lumière…
Nous voilà en ce dimanche de grisaille et d’orage, au plein cœur des Corbières, une de ces journées d’arrière saison où l’on a l’impression que le soleil étant trop fatigué d’avoir brillé tout l’été se refuse obstinément d’éclairer notre ciel. Les causses vallonnent la région, entre garrigues et vignes, les chasseurs sont passés par là et certains lièvres vont devoir faire face à leur destin le plus noble – finir à la broche !… n’est-ce pas une belle fin ?
Ces lièvres d’ici, comme ceux du Languedoc et hauts plateaux de l’Hérault, ceux qui vivent dans ces basses montagnes sèches ont du goût. Leur nourriture est faite de toutes ces herbes et plantes aromatiques qui poussent dans les rocailles, dont le thym, naturellement leurs chairs seront parfumées.
Et pour accompagner ce plat d’une autre époque, il nous fallait nous mettre dans le contexte de ces années d’insouciance où le plat faisait la fête et où la fête tournait autour du plat. Quelques ingrédients indispensables, une grande cheminée, un feu de bois, une broche, une mamie et ses recettes, la famille réunie, du savoir-faire et bien sûr deux lièvres…
Les pattes arrières sont encore recouvertes de leurs poils et nouées, la carcasse se prolongeant le long de l’axe de la broche, le lièvre sanguinolent a déjà la tête qui tourne. Après l’avoir mariné quelques heures, l’avoir arrosé d’un alcool maison, piqué de lard ou frotté de son sang (plusieurs recettes existent), il prend place devant le feu où crépite la braise. C’est une longue cuisson qui est entamée, pratiquement trois heures.
Trois heures durant lesquelles, avec patience et méthode, il faudra veiller au feu, rythmer le flambage au lard et s’assurer que la cuisson sera douce mais parfaite au moment de le manger. Pour pas que les chairs soient sèches, il faudra cuire les deux lièvres lentement, sans avoir une température trop élevée et surtout pas de flamme.
Régulièrement les lièvres seront flambés au lard, comme Papé le faisait à la maison pour la dinde, l’oie ou le chapon des fêtes. Pour cela, il faut utiliser un » flambadou « . Au bout d’une longue tige de fer se trouve comme une cuillère percée en son centre, celle-ci est plongée dans le feu jusqu’à ce qu’elle devienne rouge comme la braise. C’est alors que l’on y dépose dedans le lard gras, qui va fondre aussitôt, on l’approche du feu le temps que la graisse s’enflamme. Alors la graisse coule au travers de la cuillère et c’est à ce moment là qu’on la fait couler sur le lièvre.
La graisse flambant sur la viande va donner le goût de fumé et pénétrer légèrement dans la chair, l’animal va prendre une couleur ambrée, presque noire, sa chair va s’affermir, la graisse brûlante va former comme une carapace qui bloquera le jus dans la viande.
De la patience et du savoir-faire…
À la cuisine, Mamie s’active pour réaliser le saupiquet qui va accompagner la viande, le sang, le foie, seront revenus dans la casserole, le vin rouge corsé de Fitou réduit déjà au coin du feu, l’oignon, le thym, le laurier, le poivre diffusent déjà leurs saveurs… il faudra tout écraser, réaliser la liaison et ne surtout pas oublier le trait d’Armagnac.
Nous nous sommes essayés au Flambadou, c’est une vraie technique !
Une fois décroché de la broche, il sera découpé, d’un côté les cuisses, puis les pattes, la partie la plus charnue, le râble, sera tranchée en laissant déjà apparaître le moelleux du filet. Rien ne se perd. Il ne faut pas que la bête soit morte pour rien, l’ensemble de la carcasse jusqu’à la tête les plats. Comme pour un poulet, il y a les amateurs pour chaque morceau.
Une fois taillé en morceaux, on flambera une dernière fois le lièvre.
Le lièvre juteux arrive sur table, la chair encore légèrement saignante.
Sur l’assiette, il sera recouvert d’une sauce Saupiquet d’anthologie !
Quelques pommes de terre sautées à la graisse de canard, de mini tomates fondantes farcies, une bonne poêlée de cèpes bien rôtis, quelques beignets de légumes, il manquait seulement quelques tranches de pain toastés pour tartiner et saucer le gourmand Saupiquet et rendre ce lièvre » Royal « .
La dernière parole reviendra à la plus expérimentée de toutes, les années passées amenant à la sagesse !
Paule
24. nov, 2011
Fantastique !!
Merci.
Paule
giraud
06. déc, 2011
ce reportage m’a laissé un gout unique dans la bouche et dans le coeur…souvenirs de la même époque où mon père (grand chasseur devant l’éternel) flambait aussi le lièvre à la cheminée et ou ma mère nous faisait un saupiquet à l’oignon déjà doux mais sans encore l’appellation des Cévennes…j’ai conservé le tourne broche et le flambadou…
andre
22. nov, 2012
pas mal merci
andre
25. nov, 2012
que c’est beau.
andre
25. nov, 2012
que c’est beau.
andre
31. déc, 2012
a moi de copier ?? DUR DUR
bernard
02. déc, 2015
C’est la meme histoire de mes repas de famille. Le lièvre en saupiquet!!!!
Le même cérémonial. La dame ressemble tellement à la mienne.
Je me suis fait un devoir d’apprendre à exécuter cette recette par cœur par devoir de mémoire.
Je trouve magnifique que des cuisiniers de votre niveau publient cela.
Besombes Liliane
23. oct, 2017
C’est une pure merveille de mon enfance, ma Grand Mère à Millau, ajoutait à son saupiquet des grains de genièvre pilés.
Que de bons souvenirs.
Tina
08. jan, 2018
Quel plaisir de vous lire, j’en retrouve le goût dans la bouche. Mon père, de Carcassonne le chassait et préparait lui même cette sauce savoureuse. Merci
Nom (requis)
22. jan, 2018
un reve,que de souvenirs
Lopez
09. nov, 2019
sublimissime j’en mange un le 24 de ce mois ,moi c’est ma grand-mère maternelle qui m’a appris la recette,par contre elle les faisait cuire à feu modéré