Les déchus du Macaron – acte I -
02 juil 2011
Catégorie : Chefs, Presse & Médias
Sorti sur la presse ce 29 juin, un article qui se consacre aux chef qui ont perdus des étoiles …. Suivez le guide !
Guide Michelin : les déchus du macaron – Par Danièle Licata -
Un jour étoilés par le prestigieux « Guide Michelin », ils ont ensuite été dégradés. Certains ont rebondi, d’autres se sont volontairement mis hors compétition. L’Expansion est allé à la rencontre des chefs qui ont perdu le Graal culinaire.
Guy Martin, pour le chef du Grand Véfour, le fait d’avoir été » dégrafé » n’a pas eu d’incidence sur le succès de son établissement, qui affiche complet.
Il est 12 h 15. dans la cuisine du Grand Véfour, au Palais-Royal, règne une agitation disciplinée. Les vingt cuisiniers sont pourtant dans les starting-blocks. Plus que quelques minutes avant que Guy Martin, le maître des lieux, lance le service. Aujourd’hui encore, les ravioles de foie gras à l’émulsion de crème truffée ou le pigeon prince Rainier III en séduiront plus d’un. Comme chaque midi et chaque soir depuis que le chef a débarqué du Château de Divonne, en 1991, le restaurant affiche complet. « Ma plus belle récompense ! » Un pied de nez au Guide Michelin, qui, depuis 1931, se pose en juge de paix de la gastronomie tricolore.
Hélène Darroze confesse avoir subi un choc lorsque son restaurant de la rue d’Assas a perdu sa deuxième étoile, d’autant plus qu’elle ne s’y attendait pas.
Car, comme Jacques Thorel, les frères Pourcel, Hélène Darroze ou Michel Trama, Guy Martin a été « dégrafé », comme disait Gérard Cagna, qui lui avait rendu ses étoiles en laissant le piano à ses enfants. Aujourd’hui encore, le chef savoyard reste peu disert sur « ce non-sujet » : « Mon affaire prospère et les 100 inspecteurs que je sers tous les jours reviennent avec autant de plaisir. » Trois ans après, il a gardé l’équipe et maintenu les tarifs. Il a même racheté l’automne dernier ce restaurant mythique crée en 1784, et TV5 Monde est venu le chercher pour une émission hebdomadaire, « Epicerie fine », qui démarrera en septembre.
Une véritable blessure pour certains ego
Jacques et Laurent Pourcel, eux, sont plus causants : « Nous n’étions pas préparés à perdre le Graal culinaire, c’est vrai, mais les mentalités évoluent. Aujourd’hui, les macarons ne sont plus une finalité. Et puis le Michelinreste un simple guide de voyage ! » s’amuse Jacques. Une fois la couleuvre avalée, les jumeaux décident de changer leur fusil d’épaule et de créer leur propre marque. Six ans après, malgré l’étoile en moins, ils restent des stars. Ils sont partout : à Montpellier, où leur Jardin des sens fait salle comble, mais aussi dans 18 établissements à travers le monde : Paris, Tokyo, Marrakech…, de la haute gastronomie à la brasserie en passant par la vente à emporter. Ils ont même porté le drapeau tricolore au pavillon français de l’Exposition Universelle de Shanghai 2010.
« On vivait dans la crainte, on va vivre dans l’espoir », déclarait Michel Trama, philosophe, le jour de la parution du livre rouge 2011, qui annonçait la dégradation de ses Loges de l’Aubergade, de trois à deux étoiles. Soit, mais si celui qui fut « meilleur chef de France » en 2004 a été secoué par la sentence, il n’a pourtant pas baissé les bras. Dans son restaurant de Puymirol (Lot-et-Garonne), il sait que l’amour des produits, du travail bien fait et de la recette innovante sera le plus fort. La sanction peut être l’opportunité d’un renouveau : quand, en 2001, le Louis XV – le « gastro » de l’hôtel de Paris, à Monaco – s’est vu retirer son troisième macaron, Alain Ducasse a tout repris, jusqu’à l’assiette. « Un véritable moteur, qui nous a permis de rejoindre à nouveau les sommets ! »
« La vérité, c’est que, pour certains ego souvent surdimensionnés, la perte d’une étoile est une véritable blessure, décrypte Michel Cloes, ancien avocat, président du cabinet de conseil Chef Culinary Network (CCN). Mais les chefs savent rester dignes, ils ont leur fierté. » En octobre 2002, Bernard Loiseau disait : « Si je perds une étoile, je n’ai plus qu’à faire comme François Vatel. Avec mes différentes activités, j’ai souvent l’impression d’être un funambule avec des gens armés de ciseaux et prêts à couper le fil sous mes pieds. » On connaît la suite dramatique de l’histoire.
Une sentence lourde de conséquences
Pour Hélène Darroze, le coup a été violent. « Quand j’ai su que j’avais perdu la deuxième, je n’ai pas compris, d’autant que, trois mois avant, Jean-Luc Naret, l’ex-patron du Michelin, était venu déjeuner et m’avait lancé en partant qu’il n’avait jamais aussi bien mangé chez moi, me suppliant presque de ne rien changer », avoue-t-elle sans détour. Et d’autant que son établissement londonien, le Connaught, vient de décrocher un deuxième macaron.
Perdre son unique étoile est vécu comme une double peine : on disparaît du guide et on se retrouve en concurrence avec les établissements voisins.
Mais perdre son unique étoile est une punition sans doute plus douloureuse encore, avec une double peine : on disparaît du guide et on se retrouve en concurrence avec les établissements voisins. « Retirer un macaron n’est pas chose facile, reconnaît Juliane Caspar, rédactrice en chef du Michelin. Nous préférons bien évidemment jouer les avocats plutôt que les procureurs. Mais les décisions ne sont pas prises à la légère. Tous les étoilés ont été visités parfois plusieurs fois dans l’année. Nous tenons compte de la qualité des produits, de l’innovation, du rapport qualité-prix et de la régularité. Le volumineux courrier que nous recevons, quelque 45 000 lettres par an, nous alerte, mais ce sont les inspecteurs qui restent les juges suprêmes. »
Et puis il y a ceux qui, une fois le sommet atteint, décident de rendre leur tablier aux étoiles. En 2006, Alain Senderens ne veut plus entendre parler de surcompétition ; Olivier Roellinger, début 2009, pose les clés des Maisons de Bricourt. Pour ce dénicheur d’épices, « c’est le début de la liberté ». Marc Veyrat est lui aussi parti au faîte de sa gloire, encore auréolé de ses trois macarons, tout comme Joël Robuchon, qui avait été l’un des premiers à tout lâcher. « S’ils ont renoncé à ces trois macarons pour des raisons différentes, ces pères de la gastronomie ont tout de même au moins deux points en commun : ils continuent de s’activer derrière leur piano, et tous sont revenus à l’essentiel », analyse Thierry Marx. Lui vient de quitter Cordeillan-Bages, dans le Médoc, où il oeuvrait depuis 1994, pour rejoindre le Mandarin Oriental. Et repartir à la chasse aux étoiles.
very easy kitchen
03. juil, 2011
je comprends la difficulté pour un chef à subir cette pression de guides gastronomiques, à surenchérir sans cesse, et se voir retirer une étoile injustement. Nous sommes jugés dans bcp de métiers et malheureusement les clients sont volages, et attentifs aux notes et recommandations. Travaillant dans le domaine de la communication et de la publicité, deux pubs moyennes font de vous un ringard, deux pubs géniales attirent tous les annonceurs. On ne sait pas ce qui plaira ou déplaira.
Je fréquente bcp de restaurants étoilés ou non. Force est de reconnaître que les guides et maintenant les blogs peuvent nous aider. Force aussi est de reconnaître que bcp de restaurants sont surévalués et vivent sur des notoriétés ou du lobbying efficaces. Il faut simplement et durement trouver le juste milieu : celui qui permettra de fidéliser une clientèle tout en permettant au chef de s’exprimer sans contrainte.