Jeudi 7 février 2008 « Le Monde » titre « Les artistes de la nouvelle génération » sous la plume de Jean-Claude Ribaud
09 fév 2008
Catégorie : Actu Pourcel France
Un bel article ce jeudi sur une demi-page du Monde, Jean-Claude Ribaud démarre son article ainsi : « Après avoir servi la gloire des grands chefs, les jeunes cuisiniers refusent de limiter la gastronomie à des produits rares et chers ».
Les dès sont jetés, tout serait-il dit dans cette annonce ? À la lecture on reste un peu sur sa faim, car finalement l’article nous fait la présentation de 4 jeunes chefs plein de talents et de leur cuisine. On apprend que Jean Bardet se retire après une belle carrière et que les jeunes qui ont traîné leurs bottes dans les grandes cuisines prennent le relais.
Alors quoi de neuf, finalement pas grand-chose, car c’est simplement le renouvellement des générations. Les anciens partent, les nouveaux arrivent, la vie est faite de ce mouvement. Et tous ces jeunes qui travaillent aujourd’hui dans les grandes maisons ne sont pas en place pour servir la gloire des grands chefs, je n’ai pas tout à fait cette analyse.
Nous avons travaillé avec Laurent dans les grandes maisons, ce n’était pas pour servir l’égo des grands chefs mais pour apprendre, pour se former, pour comprendre la cuisine, c’était une passion, un besoin d’acquérir du savoir culinaire, et des références.
Et les générations d’aujourd’hui font de même avec encore plus de passion car l’on est souvent mieux payé dans des brasseries que chez un grand chef. Quand on aime ce que l’on fait, on ne se sent pas exploité. Il y a 30 ans, il fallait être pistonné pour travailler chez un grand chef, sinon il fallait patienter plusieurs années sur des listes d’attente avant d’intégrer leurs équipes. Aujourd’hui, toutes les grandes tables recrutent et ont du mal à former leurs brigades, c’est donc vraiment par passion ou par nécessité que les jeunes séjournent dans leurs cuisines.
Une fois formé, il est normal de vouloir voler de ces propres ailes et de créer son restaurant. Et le phénomène qui peut inquiéter, c’est que tous ces jeunes remplis de talents, n’ouvrent plus des restaurants gastronomiques mais des bistrots, ils ne rêvent plus de créer une grande maison, mais plutôt de travailler en équipe réduite.
Notre société change, et je me demande si les grandes maisons ne vont pas disparaître, ou si celles-ci ne seront réservées qu’aux grands palaces et au fonds de pensions ? Qui aujourd’hui rêvent d’investir des millions d’euros dans un restaurant, qui aujourd’hui rêvent d’employer 50 ou 80 personnes ? Ce serait suicidaire…
Alors oui, les jeunes chefs ne travaillent plus les produits chers et nobles, est-ce un choix ou une contrainte économique ?
Alors oui, les jeunes chefs créatifs proposent des menus à 25, 35 ou 60 euros, est-ce pour faire plaisir à leurs clients ou parce que le cœur du marché se situe à ce niveau ?
Il faut arrêter de croire qu’il est chic de snober la truffe, le homard bleu ou le foie gras. Il est simplement évident que si l’on applique sur des plats constitués de produits nobles des coefficients multiplicateurs qui permettent de gérer l’entreprise sans difficultés et de payer les employés, les plats sortiraient beaucoup trop chers sur les cartes et ils ne se vendraient pas.
Alors les grandes maisons seraient-elles des chefs-d’œuvre en péril ? Peut-être pas ! Mais elles ont fini de se multiplier, tout au moins celles qui sont familiales. Beaucoup vont disparaître pour laisser place à la spéculation immobilière.
Michelin a-t-il senti venir le phénomène en décernant trois étoiles à l’Astrance, une top cuisine dans un petit écrin, peut-être l’avenir des grands chefs est-il là ?… Encore, qu’au fil des ans, le palmarès a récompensé beaucoup de tables de Palace. Nous sommes encore dans la contradiction. Mais le discours est bien connu, c’est que seule la qualité de la cuisine compte.